L'expulsion tue
La police allemande a ordonné l'expulsion de Taher Rezai vers l'Afghanistan, mais il s'est suicidé vers minuit hier soir. D'après les témoins, Taher a sauté du deuxième étage.
Plus de 150 demandeurs d'asile ont été amenés d'abord de Paris (La Chapelle, Jaurès, Stalingrad...) puis de Calais dans l'Yonne. Une grande majorité dépend de Dublin. Ils ont pris tous les risques et maintenant ils risquent le retour dans un pays où ils ont été enregistrés contre leur gré et où les conditions d'accueil ne sont pas acceptables. Lire dans la rubrique Pages : notre pétition, la lettre des demandeurs d'asile soudanais d'Auxerre ... . Consulter les catégories : Paroles de demandeurs d'asile, Pays de non asile, Nous les soutenons, Nous informons, Chronique en 89, Prahda, Ofpra. Signer la pétition pour la régularisation : https://secure.avaaz.org/fr/community_petitions/emmanuel_macron_et_le_gouvernement_francais_france_regularisation_de_tous_les_sanspapiers/?txqxfqb&fbclid=IwAR2vLV1piiM2wCy8EP05vhzCNFk5iLL_tvPjntEgXI5yFb9Qk4kBBKrgprY
Publié le 12 Janvier 2018 par lieb dans Nous les soutenons, nous informons, Dépasser les limites de l'Yonne
Publié le 8 Janvier 2018 par lieb dans nous informons, Prahda, Dépasser les limites de l'Yonne
Quand la police se sert du règlement Dublin comme arme d'exception pour piétiner le droit d'asile.
Blog : Le blog de vève guinot Transmis par une amie
Suites aux arrestations et déportations sauvages de quelques camarades du collectif « STOP DUBLIN -Marseille », le mardi 12 Décembre, juste après une mobilisation publique du collectif, nous publions quelques témoignages sur les conditions d'arrestations et de déportations de ces
camarades, ainsi que d'autres demandeurs d'asiles Dublinés, assignés à résidence dans les PRADHAs de France.
Absence de traductions et d'interprètes à toute les étapes de la procédure d'expulsion, pressions policières et menaces pour obliger les demandeurs d'asile à signer des papiers dont ils ne comprennent pas le contenu, escortes policières surnuméraires et système d'entravement non conforme à la situation, décisions de la préfecture de maintenir des expulsions alors même que des juges ont ordonné la remise en liberté, ces témoignages font tous le récit d'agissements illégaux de la police et de la gendarmerie, parfois même contre des décisions de justice. Sous couvert de « règlement Dublin » (un règlement européen qui permet le transfert des demandeurs d'asile dans des pays où leur demande d'asile sera jetée à la poubelle sans autre forme d'examen), les polices peuvent actuellement faire abstraction des lois, des décisons juridiques et du droit d'asile, pour surfer en toute quiétude sur les tendances sécuritaires et xénophobes à l'affiche en Europe en ce moment.
On peut facilement fermer les yeux ou se voiler la face sur la responsabilité et les intérêts des états européens dans la mise en place de systèmes politiques et économiques dévastateurs qui poussent les gens à risquer leurs vies pour venir en Europe. On peut fermer les yeux ou se voiler la face quand l'Europe met en place des directives de gestion policière des questions migratoires, qui s'assoient structurellement sur le droit d'asile européen et les lois propres à chaque pays en matière de prétendu « accueil ». Mais pourra-t-on continuer longtemps à se voiler la face, face aux nombreux témoignages qui font état d'une police de plus en plus ouvertement violente, indépendante de la justice et des lois, se foutant totalement de la légalité de ses pratiques ? Une police qui n'a besoin de justifier d'aucun de ses actes, puisque'elle est celle d'un état d'exeption permanant... Ça ne nous rappelle rien ? Pas même un mauvais remake à peine édulcoré d'une sombre période historique avec la complicité active (en co-staring) des directeurs et travailleurs « sociaux » ...
Compte rendu d'un entretien avec C. suite à son expulsion le 24 octobre 2017
« Le matin du 24 octobre 2017 au PRADHA de Vitrolles j'ai été arrêté par la police et emmené au commissariat menotté, accompagné par la directrice de l’établissement. Nous étions quatre ce jour là, à être emmenés menottés. Au commissariat de Vitrolles on a été fouillé intégralement. J'ai signé des papiers le matin à Vitrolles […] mais je ne connais pas leurs natures car il n’y avait pas d’interprète, à aucun moment, qui aurait pu m'expliquer la procédure que j'étais en train de subir. On a pas pu retourner au PRADHA pour récupérer nos affaires. On
est partis toujours attachés vers Avignon. J'ai été très perturbé par le fait d’avoir été menotté et mes souvenirs sont vagues quant à la durée du transport car j'ai été très «bousculé» aussi bien physiquement que moralement. [...]
Le 24/10/17, quand on est arrivé à Avignon, j'ai été placé dans une cellule avec une autre personne. On nous a donné à manger une fois dans la journée mais pas le lendemain. Je ne me se souviens pas de ce que j'ai signé à Avignon. J'ai signé des papiers mais ne connait pas leurs natures, car il n’y avait toujours pas d’interprète. [...]
Pour aller de Vitrolles à Avignon, nous étions seuls, chacun dans une voiture différente. Quand nous sommes arrivés au centre de rétention j'ai supplié qu’on m'enlève les menottes. Les autres étaient agités et se débattaient. Moi, j'ai promis que je ne ferait rien si on m'enlevait les menottes. Ce qui a été fait. Les autres ont été attachés pieds et mains à leur chaise. Je ne me
rappelle plus du temps écoulé car j'étais trop perturbé. Nous n'avons pas pu boire ni manger jusqu’au soir.
Le 25/10/17, ils nous ont amené à l’aéroport. Nous sommes arrivés à l’aéroport tous les quatre menottés. J'ai demandé de nouveau qu’on m'enlève les menottes, ce qui a été fait. Les trois autres se débattaient et pleuraient. Ils ont été rattachés pieds et mains. Ce jour du 25 , nous n'avons pas pu boire ni manger. Je ne se souvient pas d’avoir signé des papiers à l’aéroport. Nous sommes montés dans un avion «spécial», sans touristes!! J'ai atterri à Rome. Et j'ai été contraint et forcé à l’aéroport de déposer les empreintes de mes deux mains. »
Compte rendu d'un entretien avec S. suite à son expulsion le 24 octobre 2017 :
Le 24 octobre 2017 je me suis réveillé et j'ai pris mon petit déjeuner puis je suis allé signer au commissariat de Vitrolles où je suis arrivé vers 11h du matin. Je suis rentré dans le commissariat où on m’a fait assoir. Je n'ai rien signé mais un officier de police a verrouillé la porte et m'a enfermé environ 30 minutes dans la pièce où j'attendais. Quatre civils sont venus me chercher, m'ont menotté et m'ont fait monter dans une voiture banalisée aux vitres teintées. On est ensuite partis au Prahda. Ils m'ont enlevé les menottes pour que je puisse prendre mes papiers et mon sac puis m'ont remis les menottes.
Nous sommes remontés dans la voiture pour aller en "Prison". On a roulé une heure avant d'arriver à la prison où j'ai retrouvé d'autres co-détenus des Prahdas de Vitrolles. Arrivée à la prison, on m'a enlevé les menottes puis on m'a fouillé ainsi que le contenu de mon sac. J'ai demandé à voir un avocat mais l'avocat n'est jamais venu. Ils m'ont fait signer un papier en me disant que c'etait pour voir un avocat mais c'était en fait un papier qui disait que j'acceptais d'être transféré vers l'Italie. Sous la pression policière, j'ai signé sans comprendre car il n'y avait pas de traduction. [...]
Le lendemain matin j'ai pris le petit-déjeuner puis ils m'ont fouillé une nouvelle fois puis menotté. Ils ne m'ont pas donné de nouveaux papiers. Trois civils m'ont escorté dans une voiture noire banalisée jusqu'à un petit aéroport. »
Témoignage de G., suite à son arrestation au Prahda le 12 décembre 2017et à son expulsion
« J’ai été arrêté mardi 12 décembre à 9h au commissariat de Vitrolles après avoir signé pour l’assignation à résidence. On m’a mis à part dans un bureau où se trouvait déjà un de mes co-résident au PRAHDA de Vitrolles, arrêté un peu plus tôt. Deux policiers m’ont pris mon argent (40 euros) et mon téléphone. Ensuite, ils ont voulu me faire signer des documents que je n’ai pas compris. Comme il n’y avait pas d’interprète, j’ai refusé de signer : ils ont alors fermé la porte, se sont dirigés vers moi de manière menaçante et m’ont encadré en m’intimant de signer.
Jusqu’à ce que je signe. Puis ils m’ont menotté. Ils ont ensuite appelé au téléphone un interprète pour nous traduire qu’ils nous emmenaient au centre de rétention de Nîmes. On a voulu demander des précisions, mais les policiers ont coupé la conversation téléphonique. Ils nous ont fait monter dans deux voitures distinctes, nous étions accompagnés chacun de 3 policiers. Nous avons pu récupérer nos affaires personnelles au PRAHDA.
A l’arrivée au centre de rétention, les policiers m’ont pris mes affaires et m’ont fait signer de nouveaux documents. On a retrouvé 3 personnes du PRAHDA de Gémenos dans le couloir. On n’a pas pu manger jusqu’au soir 19h. Nous avons rencontré une personne de l’association Forum Réfugiés vers 17h30 pour un entretien : beaucoup de questions, mais peu d’explications sur notre droit de déposer un recours.
Mercredi 13 décembre, la police est venue nous chercher dans les cellules à 8h45 : les agents nous ont dit qu’on partait en Italie. J’ai dit que je suis malade (« kystes » à la gorge, en exploration médicale auprès d’un spécialiste, sur recommandations d’un médecin généraliste consulté avant arrestation). Les agents m’ont répondu que je verrais ça en Italie. A la sortie de la prison, pour monter dans la voiture, un des policiers m’a étranglé. Je n’avais fait aucun geste de résistance. Je lui ai dit d’arrêter à cause de ma gorge, je lui ai dit que ce n’était pas bien. Il a continué un peu, puis il m’a menacé « tu verras à l’aéroport ! ». Il était très mauvais. Nous étions tous les 5 dans la même voiture. A l’aéroport, nous avons attendu pendant 1h30 dans la voiture : l’aéroport était fermé, on ne pouvait pas entrer. Pendant ce temps-là nous étions toujours menottés. Puis on nous a conduits vers 11h dans une petite salle réservée, escortés de 3 policiers par personne. Ils m’ont encore posé des questions et j’ai encore expliqué pourquoi je ne voulais pas aller en Italie. Cette fois-là, ils m’ont aussi ligoté les cuisses et les chevilles. Puis ils ont enlevé les liens. Nous avons vu l’avion arriver vers 11h30. C’était un petit avion spécial blanc avec des insignes noirs sur les ailes. Quand ils nous ont fait nous diriger vers l’embarquement, j’ai essayé de résister en m’accrochant à une table. Les autres co-détenus aussi. Ils nous ont ligotés à nouveau, mains, cuisses, chevilles et nous ont portés dans l’avion. On a décollé un peu après midi je pense. Ils ne m’ont libéré qu’à mi-parcours du vol. L'un de mes co-détenu a été détaché à l’arrivée à Venise.
Les formalités auprès de la police italienne ont duré 20 minutes seulement. On m’a demandé si je voulais rester en Italie ou repartir au Soudan. Le choix était vite fait. J’ai demandé l’adresse d’un centre d'hébergement où dormir, ou d'une « plateforme d'asile » en leur expliquant qu'il était impossible de faire une demande d’asile en étant à la rue. Ils m’ont dit que je n’avais pas le choix, que je n’avais qu’à aller dans n’importe quelle ville italienne et ils m’ont poussé dehors.
L’aéroport est très loin de la ville, j’ai attendu, mais je n’ai pas vu les autres camarades sortir des bureaux. J’ai pris un train. »
Compte rendu du collectif « Stop-Dublin » suite à la mobilisation contre les arrestations et expulsions du 12 décembre 2017
« Mardi 12 décembre à 11h, on apprend que 5 arrestations particulièrement musclées ont eu lieu parmi les résidents du PRAHDA de Gémenos et de Vitrolles. Ils sont conduits menottés et escortés de plusieurs policiers jusqu’à leur chambre au PRAHDA pour récupérer leurs affaires personnelles.
A midi, c’est confirmé, ils sont enfermés tous les cinq au Centre de rétention (CRA) de Nîmes, avec un vol d’expulsion annoncé pour le lendemain à destination de Venise. Les amis marseillais et les avocats se mobilisent et une requête d’urgence est déposée. Ils décrochent une audience exceptionnelle inespérée pour le lendemain à 9h devant le Juge des libertés et de la détention (JLD).
Le soir, on appelle nos amis dans les cellules du CRA, quelques conseils, des encouragements, des infos sur ce qui peut se passer, courage, on fera tout ce qu’on peut pour vous sortir de là. Le JLD n’est pas garanti, on le sait, on connaît la chanson. Mais il y a un espoir d’obtenir une libération avant qu’ils ne vous conduisent à l’aéroport.
Mercredi 13 décembre à 9h, nouveau sale coup de théâtre de la police : malgré l'audience prévue devant le JLD, les cinq garçons ont été conduits de force à l’aéroport de Nîmes Garons ! Ils passent plusieurs heures dans les locaux la PAF (la Police aux Frontières). Feu l’audience !
10h : Nouveau rebondissement, la juge a maintenu l’audience en l’absence des cinq détenus. Des soutiens des Cévennes, de Nîmes, Montpellier, Avignon sont au rendez-vous. Et, c’est déjà quasi certain, ce sont des jugements de libération qui vont être rendus. Plus qu’à attendre ces
jugements. Ce n’est qu’une question de temps, ça va être serré, on le sait, retenez votre souffle.[...]
11H : Insoutenable attente de ces jugements, qui ne sont toujours pas au greffe. Que fait la juge ? La juge téléphone par deux reprises à la PAF pour annoncer sa décision et exiger l’interruption de l’expulsion. Mais les flics se marrent. La Préfecture qui était pourtant présente à l’audience ne donne aucun contrordre : elle joue la montre en se frottant les mains.
11h50 : Une première décision est enfin rendue. Mais le vol est imminent. Il faut faxer la décision à la PAF centrale au plus vite. Et les autres ne sauraient tarder. Grouille bordel !
12H15 : Une personne est libérée sur le tarmac. On ne sait pas qui, on veut pas vraiment savoir. Et les autres, allez ! c’est pas possible de libérer un seul pote sur les cinq.
12H40 : Ca y est, on a les quatre autres décisions, yallah ! Les soutiens se rendent à l’aéroport pour remettre les décisions en mains propres aux escortes, tandis que les fax sont déjà partis à la préfecture, qui a finalement décidé de se foutre totalement des décisions de justice.
Mais sur place il n’y a pas d’avion, pas les gars, pas la PAF… Ils ont déjà été déportés !!!! Le soir même les portables de nos camarades sonnaient toujours dans le vide : « Welcome to Lyca Mobile… ». Bilan de la journée : la voix glacée d’un répondeur, le vide figé dans nos cœurs et une rage sourde : celle de notre impuissance face aux flics qui s’assoient sur une décision de
justice… On a souvent peur des mots, mais ce à quoi on a assisté ce jour là, c'est bien à un basculement, et on ne pourra pas dire qu'on ne le savait pas... »
Publié le 6 Janvier 2018 par lieb
Publié le 1 Janvier 2018 par lieb dans Nous les soutenons, nous informons, Ofpra, Dublin
Un an au CAO d’Auxerre.
Ce qui nous attend début 2018.
Les visites au CAO d'Auxerre ont permis d'accompagner les demandeurs d'asile, de nouer des liens essentiels, mais aussi de suivre la politique migratoire, depuis le transfert dans ce mini-département de plusieurs centaines de demandeurs d'asile.
Le choix de "mettre à l'abri" en juin-juillet 2016 ces demandeurs justement dans nos départements table sans aucun doute sur l'isolement, l'invisibilité, la difficulté pour les militants et les bénévoles de les accompagner.
Notre mobilisation forte à Sens à leur arrivée le 21 juillet 2016, le fort mouvement que nous avons développé à Appoigny depuis l'ouverture d'un Prahda ont déjoué en partie ce calcul.
Reste aujourd'hui le trop grand isolement des demandeurs d'asile dans certains CAO, Auxerre, Saint-Florentin, Joigny et bien entendu, étant donné son total isolement géographique, au camp militaire de Jaulges.
2017 au CAO d'Auxerre, un quotidien marqué par Dublin et l'Ofpra/CNDA
Un témoignage, une analyse
Les demandeurs d'asile de Sens ont rejoint en septembre 2016 les CAO. Partis au compte-gouttes, ils se retrouvent presque tous au CAO d'Auxerre. Ils retrouvent là d'autres demandeurs d'asile raflés à Calais et Paris, comme eux, à la même époque. S'installe alors une vie marquée par la violence des décisions officielles mais aussi par une remarquable solidarité des demandeurs d'asile entre eux.
Janvier, février, mars, avril, c’est la valse des notifications Dublin
Janvier, février, mars, avril 2017, c’est la valse des notifications Dublin au CAO d’Auxerre. Nous, militants, ne sommes pas encore assez au fait de tout. Longtemps, nous tergiverserons sur la date de fin de Dublin. Nous n’avons pas encore l’expérience du Prahda. Nous laissons beaucoup de demandeurs s’enfuir sans même avoir fait de recours. Certains d’entre nous pensent même que l’Italie, c’est pas si mal. Malgré ce que disent les demandeurs et ce qu’ils nous démontrent par leur fuite.
Nous irons à Mesnil Amelot pour accompagner jusqu’au bout. Nous en verrons revenir. Le travail de la Cimade y est remarquable.
Les soirées de cet hiver au CAO d’Auxerre
Les soirées de cet hiver au CAO resteront gravées à jamais. L’attente au jour le jour, de la lettre, convocation au commissariat pour notification du retour dans le pays Dublin. Nous vivrons l’évolution des procédures de plus en plus expéditives : 2016, la convocation elle-même devait obéir à des règles formelles. Début 2017, elles devaient simplement être remises en mains propres. Puis peu à peu, même plus. Et à un certain moment, elles sont remises si tard que les demandeurs n’ont même pas le temps de se préparer. A l’époque, c’est le commissariat qui donne la lettre de notification. Était-ce légal ? Et c’était la loterie, assignation ou rétention.
Au fur et à mesure des notifications Dublin, l’atmosphère s’assombrit.
Alors nous faisons du français, nous regardons des films sur les téléphones, nous mangeons ensemble. Et le silence est pour certains la seule expression possible.
Un soir, nous arrivons, et nous apprenons que tel ou tel n'est plus là.
Combien de demandeurs sont ainsi maintenant dans la nature ? Où sont-ils ? Parfois des nouvelles nous parviennent.
Avril : trois demandeurs sont convoqués.
Nous ne savons pas que ce seront les derniers de cette période. Deux ne vont pas au premier rendez-vous. C’était à l’époque plus que risqué. Mais il n’y aura pas de deuxième rendez-vous. Pas d’expulsion pendant les élections.
Alors les dates de fin de Dublin tombent pour certains.
Ils passent en procédure dite normale. L'explosion de joie est à la mesure du soulagement.
Les photos de ce moment sont tellement parlantes. S. qui ne sourit jamais, rit. Un demandeur se coupe les cheveux. Certains dansent. Le téléphone se remplit enfin de sourires.
Puis une nouvelle situation s’installe. Une nouvelle épreuve, l’Ofpra et ses réponses négatives.
L’Ofpra ne vous croit pas. Vous ne savez pas situer le nord et le sud. Vous n’êtes pas de la bonne ethnie, du bon peuple, du bon Etat. L’Ofpra vous renvoie dans l’angoisse et la peur. L’Ofpra ne vous écoute pas, vous êtes trop long, trop insistant. L’ofpra ne vous croit pas.
Certains vont pourtant obtenir une carte de 10 ans. Nous n’osons imaginer ce qu’ils ont vécu pour qu’on leur donne ainsi le droit d’exister ici. Et nous pensons avec une angoisse rétrospective que seul le hasard des élections venues à point nommé les a sauvés de la fuite et de la rue.
L’ère nouvelle au CAO d’Auxerre
Il l’avait dit, il le fait. Il a promis que ce serait examiné en 6 mois. Ceux qui ne connaissent pas s’en sont réjouis. En fait, tout est déjà pensé et mis en place pour les expulsions rapides. Il faut dix mois pour espérer sortir de Dublin.
Les CAO de Villeblevin et du camp militaire de Jaulges avaient déjà ouvert à l'automne 2016 pour de soi-disantes mises à l’abri. En fait les CAO deviennent la deuxième étape d’un parcours de plus en plus éclair. A Calais et à Paris, on démantèle. On dispatche dans des CAO isolés et de plus en plus invisibles.
Et le 21 juillet 2017, nous découvrons la pièce maîtresse du dispositif : le Prahda. Plus de notifications au CAO d’Auxerre : c’est maintenant l’épée de Damoclès du Prahda pour les nouveaux arrivés.
Au CAO d’Auxerre, les nouveaux Dublin, les recours CNDA ..
Au CAO d’Auxerre, les derniers Dublin (je n’aime pas le mot dubliné, pas plus que rmiste et autres dénominations) ont été enregistrés en octobre, ils viennent de la Chapelle et ils n’ont passé que quelques jours au camp Hidalgo. Par l’expérience que nous avons, contrairement à d’autres CAO dans d’autres départements, nous savons combien le risque qu’ils encourent est grand, nous en avons parlé. Ce n’est pas facile, mais ils doivent savoir. Nous avons fait les calculs. Et nous savons que la machine s’accélère. Début 2018, nous devrons être attentifs à leur situation. Ils sont une quinzaine pour ceux que je connais.
Au CAO d’Auxerre, plusieurs demandeurs sont devant la CNDA. Chacun de nous peut imaginer ce que cela signifie. Nous connaissons certains depuis plus d’une année. Les décisions vont intervenir.
Et au CAO d’Auxerre, il y a trois demandeurs, dont deux que nous connaissions de Sens, arrivés en juillet 2016, qui n’ont pas encore pu déposer leur demande d’asile. Le changement de procédure ne leur a pas encore été notifié. Ils n’avaient été enregistrés, on ne sait pourquoi, qu’en novembre. Ils ont dû attendre leur fin de Dublin, le 19 septembre. Ils n’ont pas encore été convoqués. 16 mois d'incertitude, certains de leurs amis arrivés en même temps à Sens ont déjà leurs papiers. Leur calme impressionne à chaque visite.
Y a-t-il un micro-climat dans ce CAO
Les situations psychologiques et matérielles sont très difficiles, les nationalités multiples et pourtant durant toute cette année, la solidarité a toujours été de mise. On nous avertit, quand un demandeur va mal. On mange ensemble, on parle, on partage.
Est-ce parce que dès le début les demandeurs à Sens ont pu rencontrer notre attention, parce que des cours ont été mis en place très rapidement par des amis électrons libres de Sens à rive droite à Auxerre, parce qu’il n’y a pas eu de semaine sans notre présence. J’aime à penser que cela a joué.
Mais je pense que c’est surtout parce que les demandeurs que nous avons rencontrés et qui sont toujours présents, venus de Sens, de Saint-Florentin, d'Appoigny et Auxerre ont su dès le début créer les conditions d’une vie décente et riche. Ils ont mené des actions collectives. Les nouveaux sont accueillis et intégrés. Et les soirées sont toujours aussi belles.
(En parlant de situation difficile, ils sont nombreux sans allocation qui vivent depuis plusieurs mois sans argent, une aide, une collecte serait bienvenue pour aider à les aider).
Pour 2018
Ce qui m’inquiète
. Nous ne sommes pas assez nombreux, c’est un euphémisme.
. Il n’y a pas assez de mobilisation autour de ces nouveaux demandeurs d’Auxerre, Joigny, Saint-Florentin, comme d’ailleurs auprès de ceux de Jaulges.
Ce qui m’apparaît nécessaire.
. Nouer des liens. Etre présents même de loin par Whatsapp ou messagerie.
. Etre attentif à tous les demandeurs d’asile quels qu’ils soient (âge, situation), où qu’ils soient. Des relais seraient importants.
Et surtout :
. Développer un mouvement pour l’asile dans l’Yonne, mobiliser tous ceux qui peuvent l’être, pour empêcher les nouvelles expulsions vers les pays Dublin et vers les pays d’origine qui maintenant se dessinent et qui s'ajoutent à tous les migrants déjà en OQTF (obligation de quitter le territoire) dans le département.
Publié le 1 Janvier 2018 par lieb
Cette citation vient d'une résolution qu'elle avait présentée contre la peine de mort en 1910. Elle-même avait dû fuir en 1889 l'Empire tsariste : elle avait juste 18 ans. Elle avait rejoint la cohorte des exilés venant de toutes les régions de Russie, survivant en France, en Suisse, en Allemagne ...
"D’éminents représentants de la justice pénale moderne ont accepté très récemment des modifications substantielles du droit d’asile, ce qui, dans de nombreux cas, quand il s’agit notamment de réfugiés venant de l’empire tsariste, reviendrait a une réintroduction de fait de la peine de mort, même dans les pays comme la Hollande, où celle-ci a été abolie depuis des dizaines d’années".
Ces mots ne trouvent-ils pas un écho aujourd'hui?
Publié le 31 Décembre 2017 par lieb dans Prahda
Publié le 31 Décembre 2017 par lieb dans Nous les soutenons, nous informons, Prahda, Dublin
Au Prahda d'Appoigny.
A Appoigny, à côté d'Auxerre, mi-juillet, l'hôtel Formule 1 est devenu un Prahda (Programme d'Accueil et d'Hébergement pour Demandeurs d'Asile).
Au Prahda il n'y a pas grand-chose qui tourne rond.
Il y a les conditions de vie déjà, matérielles, à propos desquelles il y aurait tant de choses à dire. Mais il y a surtout ce que ce lieu est : un centre d'expulsion qui ne dit pas son nom. Enfin qui a tenté de ne pas le dire.
Le Prahda c'est un lieu pour expulser vite fait bien fait des gens qui ne seront pas autorisés à demander l'asile en France, parce qu'un autre pays européen a déjà enregistré leurs empreintes.
C'est pensé comme un lieu de passage alors on ne fait pas d'aménagements. Mais pour pas faire trop tache, pour pas que ça se voit trop quand même, on met des gens destinés à rester longtemps, avec des gamins, et puis tant pis pour eux. Après tout c'est mieux que la rue. C'est ce que tous répètent en boucle. Tous ceux qui gèrent ce centre. Du directeur du site au responsable régional. C'est mieux que la rue. Vous allez voir c'est magique comme formule. Ça marche à tous les coups. On ne leur met pas de cuisine pendant des mois, pas de frigos. Oui, mais c'est mieux que la rue. On installe des machines pour laver le linge et on fait payer leur utilisation. Oui, mais c'est mieux que la rue. Une bagnole aussi c'est mieux que la rue. Et puis on peut toujours pinailler avec la misère : un coin de pont c'est mieux qu'un trottoir, y a moins de courants d'air. Et puis il doit y avoir des trottoirs mieux que d'autres, non ? J'en sais rien. On s'en fout. L'argument ne tient pas, ne doit pas tenir. Si on commence, en France, à raisonner à coup de c'est mieux que la rue ou c'est mieux qu'un pays en guerre, je ne sais plus très bien où on va.
Et puis la rue justement parlons-en. Pour beaucoup c'est mieux que le Prahda. Quand ils se rendent compte que dans ce lieu, leur lieu de vie, la préfecture vient et s'installe tranquillement dans les bureaux des assistantes sociales pour leur donner leur notification de transfert dans un pays tiers de l'Union Européenne (c'est long à dire hein ! Mais on nous a expliqué que « expulsions » c'était un gros mot, que c'était pas ça du tout. Nous on trouve quand même que ça y ressemble vachement mais on doit être un peu cons). Le tout évidemment sous escorte policière. Là, sous leurs yeux, là où ils vivent, chez eux quoi ! Imaginez le rapport de confiance qui s'installe ensuite avec les travailleuses sociales (les pauvres d'ailleurs, deux pour 82 demandeurs d'asile ! Dur, dur de faire du social) qui doivent libérer leur bureau pour ça.
Et bien, vous me croirez ou pas, mais, après ce passage de la préfecture, beaucoup la choisissent, la rue. Cette fameuse « rue » (tiens laquelle d'ailleurs ?) supposée être beaucoup beaucoup moins bien que le Prahda. Alors oui, il y fait froid, le sol est dur, c'est extrêmement difficile mais pourtant ils sont un certain nombre à la préférer à ce centre qui n'est qu'un centre d'expulsion. Alors du coup, ceux-là, les ingrats qui ont refusé l'hébergement que la France leur proposait si généreusement, on va les punir. Pendant une année supplémentaire, ils ne pourront pas demander l'asile. Et puis on leur coupe leur petite allocation financière. Et toc ! Fallait pas partir les gars. Fallait serrer les dents. On ne peut pas accueillir toute la misère du monde qu'on vous dit. Alors il faut bien qu'on trie.
Les autres, ceux qui ne prennent pas la poudre d'escampette après la venue de la préfecture, on leur demande d'aller signer trois fois par semaine à la gendarmerie. Trois fois par semaine. Pour rien. Juste pour les faire chier. Ah non officiellement c'est pour vérifier qu'ils sont encore là, qu'ils n'ont pas choisi la rue, qu'ils restent bien sagement à attendre l'avion qui les emmènera vers un autre pays où on a pris leurs empreintes de force. Mais mon bon monsieur ce sont des règlements européens tout ça ! Vous avez de la famille en France ? Des problèmes de santé ? Et bien allez plaider au tribunal, peut-être qu'un juge décidera que vous pouvez rester. Ah oui mais attention, il faut le faire dans les 48 heures strictes qui suivent votre rendez-vous avec la préfecture. Comment ça on vous avait convoqué un vendredi à 16h ? Et bien je compte... ça fait dimanche 16h. Voilà ! Et n'oubliez pas, il faut absolument transmettre votre recours par fax, sinon ça compte pas. Par fax. Le courrier, les mails, que nenni ! Seul le fax sera pris en compte. Ça se corse tout ça.
Et puis le monsieur de la préfecture qui vient donner les papiers d'expulsion (oups ! Décidément le mot m'échappe) il l'a bien dit : faites un recours si vous voulez mais de toute façon vous ne gagnerez jamais. Ça c'est pas vrai. On gagne. Pas autant qu'on voudrait. Pas à tous les coups. Mais on gagne. Et chaque victoire mon petit monsieur elle a un goût de justice que vous n'imaginez pas. Mais quand on perd, ou quand on ne fait pas de recours, et bien il faut aller signer, trois fois par semaine donc, en attendant l'avion.
Et quand vient le jour du départ, les gendarmes accompagnent le demandeur d'asile qui n'a finalement pas pu demander l'asile (l'obtenir on n'y est pas hein ! Juste demander !) jusqu'à un centre de rétention. Des fois qu'il se barre au dernier moment, le salaud. Des fois que tout bien pesé, il préfère finalement la rue comme tant d'autres. Alors là, ça touche au génie : on l'emmène après que les associations qui travaillent dans ces centres pour faire respecter les droits des personnes soient parties. Bin oui parce que souvent il y a des vices de forme, parce que les procédures et le droit ne sont pas respectés, et du coup les gens sortent avant qu'on les ait expulsés. C'est quand même con. Et là paf ! Le lendemain matin, très tôt, on les met dans un avion. Comme ça c'est sûr, ils n'ont eu le temps de voir personne. On est bien bien sûr que leurs droits ne seront pas respectés. Ouf ! Pays des droits de l'homme, on avait failli y croire.
Et puis il y a eu M. qui a choisi de repartir dans son pays en guerre. Pays où il était persécuté. M. était un intellectuel, quelqu'un de brillant, de cultivé d'extrêmement gentil. Mais un jour M. nous a dit : « Chez moi c'est l'enfer. L'Europe pour les réfugiés c'est l'enfer. Je préfère être en enfer avec ma famille. » Et le responsable local du Prahda se réjouissait de cette décision. J'aimerais juste, à titre personnel, dire à ce petit monsieur que quand M. est arrivé dans son pays, il était attendu à l'aéroport et que pendant cinq jours on n'a pas eu de nouvelles. Cinq jours. Il est vivant mais je vous laisse imaginer ce qu'il a subi. Allez-y faites un effort d'imagination, et puis d'empathie, et puis aussi un peu d'humanité peut-être. Mais si, mais si, en cherchant bien vous devriez en être capable.
Pour M.,
Pour tous les autres,
Pour ceux qui ont choisi la rue et dont on perd la trace,
Pour ceux qui ont choisi la rue et qui dorment sur les trottoirs de France,
Pour ceux pour qui on a gagné,
Pour tous ceux pour qui on gagnera, et ils seront nombreux parce qu'on va se continuer de se bagarrer,
Pour tous, victimes de la politique dégueulasse mise en place depuis des années, victimes à venir des nouvelles mesures ignobles de ce gouvernement qui ose encore se prétendre humaniste.
Une membre du collectif d'Appoigny, pour le journal de Solidaires 89.
Publié le 30 Décembre 2017 par lieb dans Dépasser les limites de l'Yonne
Article écrit en 2014, toujours terriblement d'actualité comme le montre l'article de l'association adossansfrontière
Sous l'esclavage, on examinait les humains comme des bêtes.
L'immigration aux Etats-Unis des Irlandais et autres émigrés laisse des images frappantes.
On en connaît dans toute l'histoire coloniale.
Sous le fascisme, on faisait des tests de judéïté.
Partout où il y a oppression, n'est pas loin cet examen de l'être humain.
Par de pseudo-médecins et scientifiques.
Qui collaborent froidement.
Ce court-métrage témoignant de l'examen imposé aux migrants mineurs
montre bien que les politiques face aux migrants ne sont qu'oppression, répression, exploitation
Et que la collaboration médicale n'est jamais bien loin.
Calais. Quand l'Agence régionale de santé devient agence régionale de sécurité ...
Aïssa est une jeune fille congolaise en situation irrégulière ....
Il aura fallu cinq ans à Clément Tréhin-Lalanne pour passer de nouveau derrière la caméra et nous offrir « Aïssa », un film court à nouveau (huit minutes), mais très efficace pour ne pas dire tranchant. Le réalisateur dit avoir réagi à un article lu dans le quotidien Rue 89 à propos de deux jeunes Congolaises ayant été examinées minutieusement par un médecin à la demande d’un officier de police pour déterminer leur âge réel. Cet âge réel, c’est celui qui permettra de décider de leur destin : se verront-elles accorder un titre de séjour ou bien seront-elles expulsées? La violence de la situation se retrouve exactement dans le court-métrage de Clément Téhin-Lalanne. À la différence de nombreux films sur le thème des sans-papiers où l’on voit des immigrés traqués et des forces de l’ordre agressives, ici, point de brutalité, mais une situation qui glace, celle de la visite médicale avec l’analyse détaillée de l’ossature et de l’anatomie d’Aïssa.Dès le générique d’ouverture, la police anticipe le destin d’Aïssa : un cas supplémentaire parmi tant d’autres, un dossier juridique à traiter de la manière la plus détachée, un simple numéro. Puis, on découvre la nuque de la jeune fille. La caméra ne la quittera d’ailleurs plus jusqu’à la dernière image du film. On apprend qu’Aïssa a 17 ans, qu’elle termine un CAP d’esthéticienne et qu’elle est en pleine santé. Mais alors qu’a-t-elle fait de mal pour se retrouver là ? La voix off du médecin enregistrée sur son dictaphone décrit avec impassibilité les différentes parties du corps d’Aïssa, montrées ici de la manière la plus crue. La jeune fille est mise à nue, est apeurée devant cet examen froid et clinique.
Le rôle de « bête curieuse » étudiée sous tous les angles est campé par l’incroyable Manda Touré. Sans un mot, elle transmet une immense pudeur associée à de la frayeur. Le diagnostic du médecin vient ensuite clore le film avec la plus grande froideur. S’ensuit un cut qui laisse la gorge sèche, sans musique et sans compassion aucune. Clément Tréhin-Lalanne a encore une fois réussi à nous mettre mal à l’aise.
Camille Monin - Consulter la fiche technique du film
29.05.2014
Publié le 30 Décembre 2017 par lieb dans Dépasser les limites de l'Yonne
http://adossansfrontiere.collectif-citoyen.fr/2017/12/nous-pleurons-notre-filleul-kantra/
Lu sur le facebook de Timothy Perkins
Nous avons appris son décès le lendemain de Noël. C’est sa marraine qui a envoyé un message pour dire que Kantra allait lui manquer depuis sa mort.
Il s’est jeté sous un train en région parisienne. Beaucoup d’entre-nous ont découvert le visage de ce filleul et les larges sourires des enfants de sa famille d’adoption nîmoise, sur la photo qui accompagnait cette information dramatique, confirmée cet après-midi.
« C’est comme si on avait tué l’un de mes gosses » disait un sympathisant proche de notre association.
En mettant en place le projet de parrainage des mineurs non-accompagnés du Gard, nous nous attendions à vivre des moments compliqués, douloureux ou de déchirement. Mais nous n’imaginions pas le suicide de l’un d’entre-eux.
Comment ne pas être affecté par la douleur de la famille qui a parrainé Kantra pendant plusieurs mois ?
On pense immédiatement à la suite : trouver le moyen et les mots pour prévenir sa famille restée au pays. Que dire à cette mère malienne qui a déjà pleuré le départ de son enfant pour lui donner une chance de s’épanouir et de grandir dans de meilleures conditions que celles offertes dans son pays ?
La réalité se rappelle à nous : les autres jeunes qui le connaissaient sont bouleversés et traumatisés. C’est une nouvelle épreuve morale que ces ados subissent après avoir erré dans plusieurs pays et connu les pires horreurs que l’on voudrait épargner à tout enfant. Les copains de Kantra sont certainement apeurés par un destin auquel tous veulent échapper : celui de se retrouver, à l’aube de leur majorité, sans papier, SDF et sans avenir dans un pays qui peine à leur faire une place.
Ces jeunes mineurs non-accompagnés sont une chance pour notre pays.
La richesse de leur expérience, leur résilience et leur humanité sont des atouts pour notre société. Nous devons nous donner les moyens de leur offrir un accueil digne de celui que nous voulons pour nos propres enfants. On est loin du compte.
Après notre stupéfaction, nos larmes et notre tristesse, c’est la colère qui prend le dessus. La colère d’une actualité qui continue un peu plus à stigmatiser les étrangers, même les enfants loin de toute famille. Une actualité qui nous informe des méthodes mises en place pour se débarrasser d’une population qui nous appelle à l’aide.
Nous ne nous résignerons pas.
Tests osseux pour prouver l’âge, enquêtes zélées pour authentifier les certificats de naissance… nous refusons les méthodes lâches des pouvoirs publics qui font tout pour empêcher d’insérer ces jeunes dans notre société.
En ralentissant les autorisations administratives pour des raisons fallacieuses, les autorités publiques se rendent coupables de créer les conditions à l’origine de drames humains. Sans ces autorisations et malgré l’énergie déployée par ces jeunes et leur entourage, aucune solution d’intégration n’est possible par le travail, l’apprentissage ou la formation… Ceci réduit d’autant la possibilité pour ces jeunes d’obtenir une carte de séjour à leur majorité. Pour beaucoup d’entre-eux dans cette situation, c’est la clandestinité qui les attend.
C’est ce parcours qui a amené Kantra à rejoindre Paris.
Il n’est pas possible qu’il y ait d’autres Kantra. Nous demandons à ce que tous les jeunes mineurs non-accompagnés disposent de l’accès à l’éducation et à l’insertion que la loi est sensée permettre.
Ces enfants sont les nôtres, c’est ça aussi la Fraternité.
L’association Ados Sans Frontière.
Publié le 29 Décembre 2017 par lieb dans Dépasser les limites de l'Yonne, nous informons
https://www.ouest-france.fr/provence-alpes-cote-dazur/alpes-maritimes/alpes-maritimes-un-migrant-retrouve-mort-sur-l-autoroute-a8-5472470
Le jeune homme, qui vivait dans une cabane au-dessus de Roquebrune-Cap-Martin, a chuté sur un talus au bord de la Provençale, l’axe qui relie Nice à la frontière italienne.
Ce sont les employés de la société d’autoroute Escota, filiale de Vinci, qui ont fait la macabre découverte. Un migrant d’origine africaine, âgé d’une vingtaine d’années, a été retrouvé mort sur un talus de l’autoroute A8, à hauteur de Roquebrune-Cap-Martin (Alpes-Maritimes).
Le jeune homme, qui dormait dans une cabane située en surplomb de l’autoroute reliant Nice à l’Italie, aurait été victime d’une chute, indiquent les gendarmes. Il aurait glissé à cause de la pluie et se serait cogné la tête avant de dévaler en contrebas, selon France Bleu Azur.
À proximité du corps, les patrouilleurs ont retrouvé son duvet et un petit carnet sur lequel il racontait son quotidien.
La gendarmerie des Alpes-Maritimes a ouvert une enquête et une autopsie doit être pratiquée pour déterminer les causes exactes du décès.
Depuis septembre 2016, au moins quinze migrants sont morts depuis septembre 2016 dans les Alpes-Maritimes.