Le Parlement européen, – vu la Déclaration universelle des droits de l'Homme, – vu ses résolutions précédentes sur le Soudan notamment celles du 10 octobre 2012, 13 juin 2012 et 18 décembre 2014 – vu la déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966; – vu la charte africaine des droits de l'Homme et des peuples, ratifiée par le Soudan en 1986; – vu l'Accord de paix global soudanais (CPA) de 2005; – vu la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discriminations contre les femmes (CEDAW) du 18 décembre 1979 ; – vu les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949, les deux protocoles additionnels du 8 juin 1977 et le troisième protocole additionnel de 2005 – vu la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole de 1967 – vu le Rapport de l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’Homme au Soudan du 28 juillet 2016 – vu l'article 135, de son règlement, A. Considérant que depuis l’arrivée au pouvoir par un coup d’Etat en 1989 du général Omar El-Béchir, le pays est soumis à un régime autoritaire ou l’opposition est durement réprimée et où les conflits se sont multipliés causant des centaines de milliers de morts et des millions de personnes déplacées et réfugiées ; B. Considérant qu’avec l'indépendance du Soudan du Sud, le Soudan a perdu 75% de la production de brut, ce qui a provoqué une inflation galopante, une dévaluation de 40% en deux ans et une pénurie de dollars pour financer ses importations ; considérant les intérêts géopolitiques et pétroliers des puissances étrangères au premier rang desquels les États-Unis et la Chine dans la partition du Soudan ; considérant que l’accaparement et l’exploitation des ressources naturelles par des multinationales et par des pays tiers continuent à être au cœur des conflits entre le Soudan et le Soudan du Sud mais aussi daes conflits dans les régions du Darfour, du Nil bleu et du Kordofan-Sud ; C. Considérant que, dans ce pays dont la population est composée de plus de 40 % d’enfants de moins de 14 ans, selon l’UNICEF, 38% des enfants âgés de moins de cinq ans souffrent de malnutrition chronique, soit 2 millions dont 550 000 dans une situation si sévère qu’elle mettrait leur vie en danger et que la mortalité infantile atteint un taux supérieure à 50 pour 1000 ; D. Considérant qu’Omar El-Béchir est sous le coup d’un mandat d’arrêt délivré en 2009 par la CPI pour crime de guerre et crime contre l’humanité et depuis 2010 pour génocide ; considérant que les pays dans lesquels il a voyagé depuis, ont refusé d’appliqué le jugement de la CPI et de procéder à son arrestation ; E. Considérant qu’en 2015 le Soudan a rejoint la coalition menée par l’Arabie Saoudite contre le Yémen et a participé à l’envoi de troupes au sol ; considérant que cette guerre aurait fait selon le rapport de l’ONU d’aout 2016 plus de 10 000 morts, 30 000 blessés et 3 millions de déplacés F. Considérant que, depuis le 31 juillet 2007, l’opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour, connue sous le sigle MINUAD a été créée ; considérant qu’en 2014 une enquête interne de l'ONU a conclu à des dysfonctionnements de la MINUAD pour avoir sciemment minimisé les exactions commises au Darfour ; considérant que depuis la situation ne semble pas avoir beaucoup évoluée et qu’en juin 2016 le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé de prolonger d’un an le mandat de la MINUAD ; Le conflit au Darfour G. Considérant que, depuis 2003, le conflit au Darfour et dans les régions du Nil bleu et du Kordofan-Sud a fait plus de 300 000 de morts et entre deux et trois millions de personnes déplacées ; considérant que, pendant les cinq premiers mois de 2016, l’ONU a comptabilisé 80 000 personnes qui auraient été déplacées dans l’ensemble du Darfour ; considérant qu’à cela s’ajouteraient 142 000 autres personnes qui auraient aussi été déplacées mais que l’ONU n’a pas été en mesure de vérifier ces chiffres, faute d’accès aux zones concernées ; H. Considérant que depuis l’accord de paix de 2005 qui a théoriquement mis fin à 20 ans de guerre civile, les problèmes en terme de déplacement de populations n’ont pas été résolus ; considérant que le manque d'investissement dans les régions périphériques a abouti à ce que les ONG internationales appellent une « génération perdue », due au manque d’accès à l’éducation, aux soins de base et sans perspective de trouve un emploi ; I. Considérant que le 14 janvier 2016 le gouvernement reprend de façon intensive les combats dans la région du Darfour en lançant une opération militaire d’envergure contre des positions de l’Armée de libération du Soudan − faction Abdul Wahid dans la zone de Jebel Marra au Darfour, ; considérant que l’expert indépendant de l’ONU s’est dit préoccupé par l’incidence du conflit sur les civils, compte tenu des allégations de violations des droits de l’Homme et de graves atteintes au droit international humanitaire y compris des meurtres aveugles, des destructions et incendies de villages, des enlèvements de femmes et des actes de violence sexuelle à leur égard, ainsi que des déplacements massifs de civils ; J. Considérant qu’au premier semestre 2016, l’Expert indépendant de l’ONU a constaté que, l’ampleur et la portée des affrontements avaient atteint une dimension sans précédent ; considérant qu’en juillet 2016 l’ONU a lancé un appel mondial visant à récolter 952 millions de dollars d’aide humanitaire pour la République du Soudan, principalement destinés aux victimes de la guerre au Darfour K. Considérant que, du 11 au 13 avril 2016, s’est tenu un référendum afin de déterminer le statut administratif du Darfour ; considérant qu’il s’agissait d’opter soit pour le système actuel à cinq États, soit pour une administration régionale unique pour tout le Darfour ; considérant, que le 14 avril 2016, la Commission pour le référendum au Darfour a fait savoir que 97,27 % des électeurs s’étaient prononcés en faveur de la première solution ; considérant que ce vote a été largement critiqué par la communauté internationale et boycotté par l’opposition ; L. Considérant qu’en mars 2016, de nouvelles négociations à Addis-Abeba sous l’égide de l’Union Africaine, ont mené à la signature d’une feuille de route par le gouvernement soudanais ; considérant que le 9 août 2016, les principaux groupes rebelles ont signé cette feuille de route appelant à un cessez-le-feu dans plusieurs régions du Soudan mais que les négociations entre le gouvernement et les groupes rebelles ont échoué fin août ; M. Considérant que le 7 septembre 2016, Omar el-Béchir a annoncé un retour à la paix au Darfour, malgré l’impasse des pourparlers avec l’Union africaine pour un cessez-le-feu dans la région ; N. Considérant que le 29 septembre 2016 Amnesty Internationale a publié une enquête sur le recours répété à de armes chimiques présumées contre des civils par les forces gouvernementales soudanaises dans une des régions les plus reculées du Darfour au cours des huit derniers mois, assurant qu'"entre 200 et 250 personnes ont pu mourir d'une exposition aux agents chimiques, pour beaucoup, voire pour la plupart, des enfants" ; considérant que la dernière attaque aurait eu lieu le 9 septembre 2016 ; Une atteinte généralisée aux droits de l’Homme dans le pays O. Considérant que toutes les tentatives de paix et de démocratisation dans le pays ont été mises en échec y compris "l'Appel pour le Soudan" de décembre 2014 qui , suite à l'appel de Paris du 8 aout 2014, avait permis d’unifier pour la première fois l'opposition interne et externe dans l’objectif de mettre fin au « totalitarisme, à la violence et à la pauvreté », P. Considérant que le 27 avril 2015 se sont tenues les élections présidentielles ; considérant que celles-ci ont été boycottées par l’opposition estimant que les conditions n'étaient pas réunies pour une élection libre et juste, considérant qu’Omar El-Béchir a été réélu pour cinq ans avec 94,5 % des voix selon la commission électorale ; Q. Considérant que depuis octobre 2015, plusieurs dispositions répressives ont été prises au Soudan à l’encontre de la liberté de la presse et des médias, dont des mesures de censure et la fermeture temporaire de journaux ainsi que la poursuite et l’incarcération de journalistes ; R. Considérant que le harcèlement des défenseurs des droits de l’Homme et les restrictions des activités des organisations de la société civile continuent dans le pays avec entre autres des perquisitions dans les locaux des associations, des confiscations de passeports et des interdictions de voyages, des arrestations, interrogatoires et poursuites pénales à l’encontre des militants, S. Considérant les sévères restrictions à la liberté de religion, de croyance et de convictions dans le pays avec notamment les poursuites et arrestations pour « apostasie » ; T. Considérant que les articles 151, 152, 154 et 156 du code criminel du Soudan renforcent les restrictions sur les femmes et la manière dont elles s’habillent et se comportent en public ; considérant que les atteintes à ces lois sont passibles d’amende, voire dans certains cas de de flagellation ; Les atteintes au droit d’asile aux droits des réfugiés U. Considérant que mi-octobre 2014 s’est tenu à Khartoum, une première conférence sur les routes migratoires entre l’Union européenne et les Etats de la Corne de l’Afrique, qu’une 2ème conférence a eu lieu à Rome le vendredi 28 novembre lançant le « processus de Khartoum » regroupant les représentants de l’ensemble des États membres de l'Union Européenne, ceux de la Corne d'Afrique et des États notamment d’Afrique du nord afin de promouvoir « des projets visant à une gestion plus efficace des flux migratoires » ou en d’autres termes permettant l’externalisation des politiques migratoires de l’Union Européenne; V. Considérant qu’en mai 2016, l'hebdomadaire allemand Spiegel a révélé que le 23 mars 2016, les pays européens se sont entendus pour que l'Allemagne fournisse du matériel de sécurité aux garde-frontières soudanais et pour la construction, au Soudan, de centres de rétention pour les migrants ; W. Considérant que depuis plusieurs mois, des centaines de réfugiés érythréens en partance pour l'Europe sont arrêtés par les autorités, placés en détention, puis expulsés de force vers l'Érythrée où ils sont le plus souvent directement envoyés en prison où ils risquent non seulement des tortures mais aussi leur vie ; considérant que quelques 442 migrants auraient été expulsés par le gouvernement soudanais pour le seul mois de mai 2016 ; considérant que cette politique découle directement des accords avec l’UE visant à refouler les réfugiés en dehors des frontières de l’UE et qui encourage à les intercepter danss les pays de transit ; considérant qu’il s’agit là d’un violation flagrante de la Convention de Genève, X. considérant que le 24 août 2016 quarante soudanais ont été expulsés d’Italie vers le Soudan via l’aéroport de Turin et la compagnie “Egyptair” sans avoir eu la possibilité de demander l’asile puisque leur expulsion a été validée en moins de 24H après leur arrestation ; considérant que ces pratiques à l’égard des soudanais auraient déjà eu lieu dans plusieurs États Membres ; 1. Condamne de nouveau toutes les violences, massacres et répressions qui ont lieu au Soudan ; 2. Se déclare particulièrement préoccuper par la situation dans les régions du Darfour, du Nil bleu et du Kordofan-Sud, par les bombardements réguliers sur les populations civiles et par les allégations d’utilisation d’armes chimiques par le gouvernement; demande la mise en place immédiate d’une enquête internationale sur ces allégations ; 3. Déplore l’échec des négociations concernant les régions du Darfour, du Nil bleu et du Kordofan-Sud, demande à ce que toute la lumière soit faite sur les exactions massives, notamment les accusations de viols de masse devenus une pratique courante au Soudan et notamment au Darfour-Sud ; souligne que la lutte contre l’impunité devrait être une priorité absolue de la communauté internationale dans tout accord passé avec le gouvernement soudanais ; 4. Dénonce toute tentative d’instrumentalisation de la question ethniques ou communautaire afin de diviser la population et attiser les violences dans le pays ; 5. Déplore l’échec continu d’un dialogue national permettant d’ouvrir la voie à la paix et à la démocratisation du pays ; souligne que seules des réformes profondes permettant à tous de jouir pleinement des droits politiques, économiques et sociaux pourront permettre de sortir le Soudan de la situation dans lequel il se trouve ; 6. Demande la libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers, journalistes et défenseurs des droits de l’Homme au Soudan, 7. Souligne avec inquiétude les violations continues et fréquentes des droits des femmes au Soudan, notamment l'article 152 du Code Criminel; exhorte les autorités soudanaises à signer sans délai et à ratifier la Convention sur l'Élimination de toutes les Formes de Discriminations Contre les Femmes. 8. Estime que les migrants au Soudan sont des demandeurs d’asile potentiels et qu’il y a lieu de leur accorder une protection internationale, qu’à l’inverse, les tentatives d’«externalisation des politiques migratoires y compris de l'asile » tel que mené par l’UE et ses États membres consistant à bloquer les migrants dans les pays de d’origine ou de transit au mèpris de toute possibilité réelle de demande l’asile équivaut dans de nombreux cas à une non-assistance à personne en danger et au non-respect du droit international, notamment dans le cas de migrants venus de pays en guerre ou dirigés par des régimes autoritaires comme c’est le cas de ceux de la Corne de l’Afrique et notamment du Soudan et de l’Érythrée ; 9. Rejette par conséquent toute tentative d'externalisation des politiques migratoires de l'Union européenne ; demande l’abrogation du processus de Karthoum et à tout le moins l’évaluation immédiate au risque des menaces pesant sur les droits de l’Homme au Soudan de toute « coopération » européenne en matière de migration avec ce pays ; rejette tout accord ne garantissant pas la protection des réfugiés et le respect des droits fondamentaux des migrants ; demande instamment aux États Membres de respecter le principe international de non-refoulement, conformément au droit international, et ce tout particulièrement lorsque les personnes sont renvoyées vers des pays où elles risquent leur vie ; 10. Demande instamment à l’UE et à ses États Membres de faire toute la lumière sur les révélations du journal Spiegel quant au financement et à la fourniture de matériel de sécurité aux garde-frontières soudanais et pour la construction, au Soudan, de centres de rétention pour les migrants ; demande à la communauté internationale d’ouvrir une enquête indépendante sous l’égide de l’ONU à ce sujet ; 11. Demande la mise en place d’une enquête internationale sur la compatibilité entre les expulsions des ressortissants soudanais vers le Soudan par les États Membres ; demande de la même façon une enquête approfondie sur le renvoi des Erythréens du Soudan vers l’Érythrée au moment où l’ONU accuse le régime Erythréen de crimes contre l’Humanité ; 12. Demande à l’UE de répondre positivement à l’appel de l’ONU de juillet 2016 visant à récolter l’aide humanitaire pour le Soudan ; rejette de nouveau toute instrumentalisation de l’aide au développement à des fins d’externalisation des frontières et de contrôle des migrants ; 13. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au gouvernement du Soudan, aux institutions de l'Union africaine, ainsi qu'au Secrétaire général des Nations unies. |