L’asile
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Notions clés sur l’asile et la CEDH
Les obstacles à l’éloignement des demandeurs d’asile
L’évaluation du risque
Les assurances diplomatiques et la réinstallation interne
Les groupes vulnérables.
Les conditions d’accueil des demandeurs d’asile
La détention des demandeurs d’asile
La procédure d’asile et les recours efficaces
Les mesures provisoires fondées sur l’article 39 du règlement de la Cour
Les expulsions collectives
Remarques finales sur l’asile et la CEDH
1. Notions clés sur l’asile et la CEDH Depuis des siècles, les gens traversent de vastes territoires pour venir s’installer en Europe. Certains d’entre eux viennent chercher une protection internationale. Ils demandent l’asile. Il n’est pas toujours évident de comprendre la différence entre les migrants, les demandeurs d’asile, les réfugiés et d’autres groupes, du fait, en particulier, que ces termes ont tendance à être employés de manière impropre par les médias. Voici quelques concepts qu’il ne faut pas confondre. Le mot « migrant » décrit une personne qui se déplace d’un endroit, d’une région ou d’un pays à un autre. Le terme « demandeur d’asile » se réfère à un migrant qui demande à bénéficier de la protection internationale. En Europe, la protection internationale peut prendre la forme du statut de réfugié ou celle de la protection subsidiaire. Le statut de réfugié est régi par la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés. Un État étranger l’accorde à une personne qui nourrit des craintes fondées d’être persécutée dans son pays d’origine en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social particulier ou de ses opinions politiques.
1 © Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme, 2016 Le contenu de ce texte ne lie pas la Cour.
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Si un État étranger considère qu’un migrant devrait être protégé, mais pour des raisons qui ne figurent pas dans la Convention de Genève, il peut décider d’accorder la protection subsidiaire au lieu du statut de réfugié. La Cour européenne des droits de l’homme n’est pas compétente pour examiner l’application de la Convention de Genève. Et la Convention européenne des droits de l’homme ne prévoit pas de droit à l’asile. En principe, le droit de contrôler l’entrée, le séjour et l’expulsion des étrangers appartient aux États. Cependant, les États membres du Conseil de l’Europe ont l’obligation de garantir à toute personne relevant de leur juridiction, y compris aux migrants, le respect des droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme. C’est à cette fin que la jurisprudence de la Cour impose certaines limitations aux droits des États de refuser l’accès à leurs frontières2. 2. Les obstacles à l’éloignement des demandeurs d’asile Quels sont les droits de la Convention qui peuvent constituer des obstacles à l’éloignement d’un demandeur d’asile ? En premier lieu, il y a l’article 2 de la Convention, qui garantit le droit à la vie, et l’article 3, qui interdit la torture et les traitements ou les peines inhumains ou dégradants. Nul ne peut être éloigné dans un endroit où il courrait un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à l’une ou l’autre de ces dispositions. C’est le principe de non-refoulement. Par exemple, dans une affaire contre le Royaume-Uni, la Cour a constaté que l’expulsion de deux requérants en Somalie emporterait violation de l’article 3 eu égard à la crise humanitaire et à la violence aveugle prévalant à Mogadiscio3. Conformément à la Convention, l’interdiction prévue par l’article 3 est absolue. Cela signifie que la responsabilité des États membres du Conseil de l’Europe de protéger tout ressortissant étranger contre un tel traitement reste engagée en cas d’expulsion. La conduite passée du requérant, aussi indésirable ou dangereuse fût-elle, ne peut donc pas être une considération pertinente4. Les articles 2 et 3 de la Convention interdisent aussi le « refoulement indirect ». Ce terme recouvre une expulsion vers un État où les migrants peuvent faire face à une expulsion vers un État tiers sans bénéficier d’une évaluation appropriée de leur situation. Cela s’applique aussi dans le contexte du Règlement de Dublin de l’Union européenne. Ainsi, dans une affaire concernant l’expulsion de la Belgique vers la Grèce, la Cour a conclu que lorsque la procédure d’asile d’un État membre de l’Union européenne est déficiente et n’offre pas des garanties efficaces contre l’éloignement arbitraire, les autres États membres doivent s’abstenir de renvoyer des demandeurs d’asile vers ce pays sur la base du Règlement de Dublin5. Les articles 2 et 3 de la Convention peuvent aussi entrer en jeu lorsqu’on refuse l’entrée à une frontière6 à des personnes en danger ou interceptées en mer. Par exemple, la Cour a constaté qu’un groupe de migrants interceptés en mer par les autorités italiennes n’auraient pas dû être sommairement renvoyés en Libye, où ils ont fait face à un risque réel de traitements contraires à l’article 3. Au lieu de cela, il aurait fallu leur donner la possibilité de demander l’asile en Italie7.
2 Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, 9214/80, 28 mai 1985, § 67, série A n° 94, et Saadi c. Italie [GC], 37201/06, §§ 124-125, CEDH 2008 3 Sufi et Elmi c. Royaume-Uni, 8319/07 et 11449/07, 28 juin 2011 4 Saadi c. Italie [GC], 37201/06, CEDH 2008 5 M.S.S. c. Belgique et Grèce [GC], 30696/09, CEDH 2011 6 Gebremedhin [Gaberamadhien] c. France, 25389/05, CEDH 2007-II 7 Hirsi Jamaa et autres c. Italie [GC], 27765/09, CEDH 2012
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D’autres obstacles à l’éloignement d’un demandeur d’asile peuvent résulter du risque d’une violation flagrante des articles 5 ou 6 de la Convention dans le pays de destination. L’article 5 garantit le droit à la liberté et à la sûreté, et l’article 6 le droit à un procès équitable. Ces dispositions peuvent entrer en jeu, par exemple, si l’État de destination devait arbitrairement placer en détention un requérant sans le traduire en justice, ou l’emprisonner pendant une longue période à la suite d’une condamnation à l’issue d’un procès manifestement inéquitable. Cependant, un seuil très élevé s’applique dans de telles affaires8. Par exemple, dans une affaire concernant l’expulsion du Royaume-Uni vers la Jordanie, la Cour a constaté que la possibilité pour une personne d’être mise en détention provisoire durant 50 jours restait bien en deçà de la durée de détention entraînant une violation flagrante de l’article 5. D’autre part, l’admission de preuves obtenues sous la torture dans un nouveau procès pénal représenterait un flagrant déni de justice, en violation de l’article 6 de la Convention9. 3. L’évaluation du risque Pour constituer une violation de l’article 3 de la Convention, le traitement doit atteindre un minimum de gravité10. Le respect de ce seuil dépend de l’ensemble des circonstances, notamment de l’âge du requérant, de son sexe et de son état de santé11, ces éléments étant examinés cumulativement. Toute évaluation en vue de déterminer si un demandeur d’asile est susceptible de subir un traitement contraire à l’article 3 doit être individualisée et fondée sur l’ensemble des éléments disponibles. Conformément à la Convention, le risque de mauvais traitements dans le pays de destination doit être « réel », « prévisible » et « personnel ». C’est pourquoi la Cour exigera que le requérant migrant prouve l’existence de circonstances spécifiques qui le rendraient personnellement vulnérable à de mauvais traitements. Ces circonstances spécifiques peuvent être démontrées par des informations concernant de précédents mauvais traitements dans le pays de destination, par l’octroi dans le passé du statut de réfugié par des États étrangers ou par des évaluations faites par le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés12. Elles peuvent être aussi démontrées par des éléments prouvant l’existence à l’heure actuelle de persécutions systématiques des personnes se trouvant dans une situation analogue, sous réserve que ce groupe soit identifiable. Par exemple, la Cour a rendu une telle décision en ce qui concerne les membres de la minorité Ashraf en Somalie13. La Cour a aussi reconnu que l’exposition d’un individu à une situation de violence générale d’intensité exceptionnelle peut être suffisante pour conclure que la personne court le risque d’être victime de mauvais traitements simplement du fait de sa présence dans la zone en question14. Par ailleurs, dans certaines circonstances, exposer un demandeur d’asile à des conditions extrêmes de pauvreté ou de vie privée peut aussi constituer une violation de l’article 315. Par exemple, la Cour a constaté que les conditions de vie dans les principaux camps de réfugiés au Kenya et en Somalie,
8 Mamatkulov et Askarov c. Turquie [GC], 46827/99 et 46951/99, CEDH 2005-I 9 Othman (Abu Qatada) c. Royaume-Uni, 8139/09, CEDH 2012 (extraits) 10 Soering c. Royaume-Uni, 14038/88, 7 juillet 1989, série A n° 161, § 100 11 Ireland c. Royaume-Uni, 5310/71, 18 janvier 1978, série A n° 25 12 Singh et autres c. Belgique, 33210/11, 2 octobre 2012 13 Salah Sheekh c. Pays-Bas, 1948/04, 11 janvier 2007, et, a contrario, Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni, 13163/87 et autres., 30 octobre 1991, série A n° 215 14 Sufi et Elmi c. Royaume-Uni, 8319/07 et 11449/07, 28 juin 2011 15 M.S.S. c. Belgique et Grèce [GC], 30696/09, CEDH 2011
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en particulier le grave surpeuplement et l’accès très limité aux abris, à l’eau et aux installations d’assainissement, étaient si désastreuses qu’elles atteignaient le seuil minimal de gravité16. Il appartient au requérant de produire des éléments propres à démontrer qu’il y a des raisons sérieuses de penser que, s’il était renvoyé d’un État membre du Conseil de l’Europe, il serait exposé à un risque réel de mauvais traitements dans le pays de destination. Lorsque de tels éléments sont présentés, c’est alors au Gouvernement de dissiper tout doute éventuel17. La Cour a reconnu que les demandeurs d’asile se trouvent souvent dans une situation spéciale, qui peut exiger qu’on leur accorde le bénéfice du doute en évaluant la crédibilité de leurs déclarations et des documents à l’appui18. 4. Les assurances diplomatiques et la réinstallation interne L’État de renvoi peut inviter les autorités du pays de destination à lui donner des assurances diplomatiques selon lesquelles la personne concernée ne fera pas face à des mauvais traitements à son retour. De telles assurances peuvent réduire le risque mais elles ne sont pas en elles-mêmes suffisantes pour garantir la protection. Le poids accordé par la Cour aux assurances diplomatiques dans une affaire donnée dépend des circonstances prévalant à l’époque considérée. La Cour examinera d’abord si la situation générale en matière de droits de l’homme dans l’État de destination n’est pas de nature à exclure totalement l’acceptation des assurances. Elle considérera alors la qualité des assurances données et recherchera si – à la lumière des pratiques de l’État d’accueil – elles peuvent être tenues pour fiables19. Un État peut aussi proposer la réinstallation interne du requérant vers une zone de sécurité dans le pays de destination. De nouveau, la Cour fera une évaluation détaillée pour déterminer si la personne devant être expulsée peut en fait se rendre dans la zone en question, y être admise et s’y installer20. Cela implique de rechercher si le lieu de retour est sûr, s’il y a des barrages routiers sur le parcours et si les zones de transit sont assez sûres pour que la personne puisse y passer pour atteindre son site de destination. La Cour se livrera également à une évaluation des circonstances individuelles du requérant21. 5. Les groupes vulnérables Les affaires introduites devant la Cour sont toujours examinées au regard de la situation individuelle de chaque requérant. Mais certains requérants peuvent appartenir à des groupes vulnérables par nature et la Cour a reconnu que, pour cette raison, ils ont besoin d’une protection spéciale22. Ces groupes vulnérables peuvent être des minorités qui sont systématiquement soumises à des mauvais traitements, ou certains groupes – par exemple les enfants, les femmes enceintes, les handicapés ou les personnes âgées – reconnus comme ayant des besoins spécifiques. Une importance particulière est attachée au statut d’un requérant comme demandeur d’asile. Il en est ainsi parce qu’un large consensus existe au niveau international et européen selon lequel les
16 Sufi et Elmi c. Royaume-Uni, 8319/07 et 11449/07, 28 juin 2011 17 Saadi c. Italie [GC], 37201/06, CEDH 2008 18 Salah Sheekh c. Pays-Bas, 1948/04, 11 janvier 2007, et R.C c. Suède, 41827/07, 9 mars 2010 19 Othman (Abu Qatada) c. Royaume-Uni, 8139/09, CEDH 2012 (extraits) 20 Salah Sheekh c. Pays-Bas, 1948/04, 11 janvier 2007 21 Sufi et Elmi c. Royaume-Uni, 8319/07 et 11449/07, 28 juin 2011 22 M.S.S. c. Belgique et Grèce [GC], 30696/09, CEDH 2011
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demandeurs d’asile représentent un groupe particulièrement défavorisé et vulnérable qui a besoin d’une protection spéciale. Le statut spécial d’un requérant en tant que membre d’un groupe vulnérable peut avoir un impact sur les obligations imposées aux États quant aux modalités d’accueil de la personne en question et sur la question de savoir si elle peut vraiment être éloignée du pays. La situation des mineurs non accompagnés revendiquant l’asile revêt une importance particulière. Elle est illustrée par l’affaire d’un garçon âgé de 15 ans qui venait d’Afghanistan et qui a demandé l’asile en Grèce23. La Cour a constaté que les conditions dans lesquelles ce mineur non accompagné a été initialement détenu et l’échec ultérieur des autorités à s’occuper de lui après sa sortie ont constitué un traitement dégradant contraire à l’article 3 de la Convention, d’autant plus que l’adolescent avait été laissé sans abri pendant plusieurs jours avant d’être assisté par une ONG locale. 6. Les conditions d’accueil des demandeurs d’asile L’article 3 de la Convention exige que les États d’accueil fournissent un logement et des conditions matérielles convenables aux demandeurs d’asile, qui sont appauvris et complètement dépendants de l’assistance de l’État. Dans son arrêt de référence sur la question24, la Cour a constaté que la Grèce n’avait pas respecté ses obligations au titre de l’article 3, dès lors qu’elle n’avait pas garanti au requérant des conditions d’accueil adéquates lorsque sa procédure d’asile était en suspens. Quels éléments ont mené la Cour à une telle conclusion ? En premier lieu, le grave surpeuplement et les conditions sanitaires inadéquates dans le centre d’accueil des migrants où le requérant a été initialement détenu. En deuxième lieu, le fait que, après sa sortie, l’homme a vécu pendant de nombreux mois dans un parc, dans un état de pauvreté extrême, incapable de subvenir à la plupart de ses besoins élémentaires. Et en troisième lieu, le fait que la situation du requérant était encore aggravée par sa crainte constante d’être attaqué et volé et par l’absence de perspectives d’amélioration de sa situation. Dans une autre affaire de ce type25, introduite contre la Suisse, la Cour a constaté que les conditions d’accueil pour les demandeurs d’asile en Italie étaient loin d’être aussi problématiques que celles en Grèce, et qu’elles ne pouvaient donc constituer en elles-mêmes un obstacle à tout éloignement des demandeurs d’asile vers ce pays. Cependant, la Cour a considéré que les requérants se trouvaient dans une situation spécifique, dès lors qu’ils formaient une famille de huit personnes avec six enfants mineurs, dont un enfant en bas âge. Elle a donc conclu que, même en l’absence de lacunes systémiques, il incombait aux autorités de l’État de renvoi d’obtenir des assurances de la part des autorités du pays de destination qu’à leur arrivée les demandeurs seraient reçus dans des structures et dans des conditions adaptées à l’âge des enfants et que la famille ne serait pas séparée. 7. La détention des demandeurs d’asile La Convention européenne des droits de l’homme permet aux États de contrôler la liberté des ressortissants étrangers dans un contexte d’immigration. Ainsi, dans certaines circonstances, les migrants, y compris les demandeurs d’asile, peuvent être détenus jusqu’à ce qu’un État leur accorde l’autorisation d’entrer ou de séjourner dans le pays. En vertu de l’article 5 § 1 f) de la Convention, les migrants peuvent être privés de liberté uniquement conformément à une procédure prescrite par la loi et la mesure peut seulement être justifiée pour deux raisons : empêcher l’entrée irrégulière sur le territoire national ou aux fins de l’expulsion.
23 Rahimi c. Grèce, 8687/08, 5 avril 2011 24 M.S.S. c. Belgique et Grèce [GC], 30696/09, CEDH 2011 25 Tarakhel c. Suisse [GC], 29217/12, CEDH 2014 (extraits)
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Pour éviter d’être considérée comme arbitraire et contraire à la Convention, pareille détention doit être mise en œuvre en toute bonne foi. Qu’est-ce que cela signifie ? Cette détention doit être étroitement liée au but d’empêcher l’entrée irrégulière ou l’expulsion ; le lieu et les conditions de détention doivent être appropriés ; et ensuite la durée de la détention ne doit pas excéder ce qui est raisonnablement exigé par le but poursuivi26. Pareille détention cessera d’être régulière si la procédure est menée sans la diligence voulue27 ou s’il n’y a plus de perspective réaliste d’éloignement28. En vertu de l’article 5 § 2 de la Convention, les détenus demandeurs d’asile doivent être promptement informés des raisons de leur détention29 dans une langue qu’ils comprennent. L’article 5 § 4 exige en outre qu’ils puissent accéder à un juge, qui doit se décider rapidement30 sur la légalité de leur détention après un examen minutieux de tous les faits31 et qui doit examiner à intervalles réguliers la détention en cas de prorogation. La question de savoir si la privation de liberté respecte les exigences de la Convention est appréciée à la lumière des circonstances individuelles de chaque affaire. En pratique, la privation de liberté de mineurs – accompagnés ou non – ne peut que rarement être justifiée32. 8. La procédure d’asile et les recours efficaces L’article 6 de la Convention et sa gamme complète de droits procéduraux garantissant le droit à un procès équitable n’est pas applicable aux procédures d’expulsion ou d’asile. Mais l’article 13 de la Convention, qui garantit le droit à un recours effectif, est applicable. L’article 13 n’étant pas une disposition autonome, on ne peut y avoir recours que si le requérant a aussi un grief défendable tiré d’une autre disposition de la Convention, comme le grief d’un risque de mauvais traitements contraires à l’article 3. Quelles sont alors les exigences de la Convention en ce qui concerne la procédure d’asile ? En premier lieu, la Cour a constaté que les individus doivent disposer d’informations adéquates sur la procédure d’asile devant être suivie33. Cela requiert l’existence d’un système fiable de communication entre les autorités et les demandeurs d’asile34. De plus, les individus doivent avoir un accès effectif à une telle procédure, ce qui peut impliquer la mise à disposition d’interprètes et l’accès à une assistance juridique. Pour apprécier si les requérants ont accès à un recours effectif, la Cour examinera normalement le système national dans sa globalité. Elle a ainsi déclaré que « l’ensemble des recours offerts par le droit interne peut remplir les exigences de l’article 13, même si aucun d’eux n’y répond en entier à lui seul »35. Un recours effectif doit être disponible en droit et en pratique36. L’autorité nationale compétente ne doit pas être nécessairement judiciaire. Mais le pouvoir qui lui est conféré et les garanties qu’elle offre seront pris en compte dans l’examen de l’effectivité du
26 Saadi c. Italie [GC], 37201/06, CEDH 2008 27 Chahal c. Royaume-Uni, 22414/93, 15 novembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-V 28 Mikolenko c. Estonie, 10664/05, 8 octobre 2009 29 Louled Massoud c. Malte, 24340/08, 27 juillet 2010 30 Sławomir Musiał c. Pologne, 28300/06, 20 janvier 2009 31 Nikolova c. Bulgarie [GC], 31195/96, CEDH 1999-II 32 Rahimi c. Grèce, 8687/08, 5 avril 2011, Muskhadzhiyeva et autres c. Belgique, 41442/07, 19 janvier 2010 et Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique, 13178/03, CEDH 2006-XI 33 Abdolkhani et Karimnia c. Turquie, 30471/08, 22 septembre 2009 34 M.S.S. c. Belgique et Grèce [GC], 30696/09, CEDH 2011 35 Gebremedhin [Gaberamadhien] c. France, 25389/05, CEDH 2007-II 36 M.S.S. c. Belgique et Grèce [GC], 30696/09, CEDH 2011
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recours. Une telle autorité nationale doit être indépendante, doit se livrer à un examen minutieux et rigoureux37 de la demande d’asile et doit examiner le fond de l’affaire38. Une attention particulière est accordée à la rapidité du recours, dès lors que l’effectivité de celui-ci peut être réduite à néant par de longs retards et une durée excessive39. D’autre part, un traitement rapide de la demande d’asile d’un requérant ne devrait pas prendre le pas sur l’efficacité des garanties procédurales essentielles pour protéger l’intéressé contre l’éloignement arbitraire. Un délai excessivement court pour soumettre une demande, comme dans le contexte des procédures d’asile accélérées, peut saper l’exercice et l’efficacité du recours. Par exemple, dans une affaire concernant l’expulsion d’un ressortissant soudanais de la France, la Cour a constaté qu’un délai de cinq jours pour introduire une demande d’asile initiale et un délai de 48 heures pour contester la décision d’éloignement ultérieure étaient beaucoup trop courts. Ces éléments, combinés à d’autres circonstances de l’affaire, ont rendu le recours inefficace en pratique, en violation de l’article 13 combiné avec l’article 3 de la Convention40. L’article 13 exige aussi l’effet suspensif automatique du recours – autrement dit, la mise en attente de l’expulsion planifiée jusqu’à ce que la décision finale soit prise41. La simple possibilité de demander l’effet suspensif ou qu’un recours ait un tel effet dans la pratique ne suffit pas à elle seule42 9. Les mesures provisoires fondées sur l’article 39 du règlement de la Cour En introduisant une requête devant la Cour, tout requérant peut demander à la Cour d’indiquer à l’État défendeur, conformément à l’article 39 de son règlement, une mesure provisoire selon laquelle l’État concerné devra s’abstenir de renvoyer le requérant dans un pays où il court un risque imminent de subir des dommages irréparables. Les demandes de mesures provisoires ne sont accordées que dans des circonstances exceptionnelles. Mais si des mesures sont indiquées selon l’article 39, l’État défendeur a l’obligation de s’y conformer. Sinon, il peut être reconnu coupable d’une violation de l’article 34 de la Convention pour entrave à l’exercice du droit de recours43. 10. Les expulsions collectives Des garanties procédurales supplémentaires en cas d’expulsion collective sont prévues à l’article 4 du Protocole no 4 à la Convention. Une procédure d’identification doit être effectuée et les circonstances individuelles de chaque demandeur d’asile appartenant à un groupe doivent être correctement appréciées. À défaut, on considérera qu’une expulsion est collective et donc en violation de cette disposition. Dans l’affaire précitée dirigée contre l’Italie qui portait sur des interceptions en mer44, la Cour a jugé que l’article 4 du Protocole no 4 s’appliquait aussi à l’éloignement d’étrangers vers un État tiers en dehors du territoire national.
37 M.S.S. c. Belgique et Grèce [GC], 30696/09, CEDH 2011 38 Chahal c. Royaume-Uni, 22414/93, 15 novembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-V 39 De Souza Ribeiro c. France [GC], 22689/07, CEDH 2012 40 I.M. c. France, 9152/09, 2 février 2012 41 Čonka c. Belgique, 51564/99, CEDH 2002-I et Gebremedhin [Gaberamadhien] c. France, 25389/05, CEDH 2007-II 42 Gebremedhin [Gaberamadhien] c. France, 25389/05, CEDH 2007-II 43 Mamatkoulov et Askarov c. Turquie [GC], 46827/99 et 46951/99, CEDH 2005-I 44 Hirsi Jamaa et autres c. Italie [GC], 27765/09, CEDH 2012
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11. Remarques finales sur l’asile et la CEDH Comme indiqué dans cette présentation, les États membres du Conseil de l’Europe ont le droit de déterminer quels demandeurs d’asile sont en fait éligibles au bénéfice de la protection internationale. Et il n’appartient pas à la Cour de décider du fond des demandes d’asile individuelles. Cependant, dans l’exercice du contrôle de leurs frontières, les États doivent agir conformément aux normes de la CEDH et aux principes tirés du vaste corpus de jurisprudence de la Cour afin de garantir le respect des droits de l’homme des demandeurs d’asile. *** Toutes les affaires citées dans cette présentation figurent dans la base de données HUDOC45. D’autres informations sont disponibles sur le site Internet de la Cour46 et dans les outils pédagogiques pertinents de HELP47, le programme du Conseil de l’Europe de formation aux droits de l’homme pour les professionnels du droit.