Il y a bien longtemps, en 1919, tu y es née, tu n'y es pas restée longtemps, c'est Dunkerque que j'ai connue moi lors des vacances. Car la guerre t'a fait connaître à 20 ans les routes, le voyage à pied, de l'exode vers Paris.
Le Nord qu'on n'ose même plus appeler Nord car ce n'est pas beau le Nord n'est-ce pas! La région s'appelle les Hauts de France - toute honte bue - c'est mieux n'est-ce pas le Haut!
Nous sommes malgré tout restées un peu, beaucoup de là-bas, de ce Nord de la classe ouvrière, où la culture politique s'associait à la culture tout court, où l'on était conscient et en même temps sensible.
Ce Nord dont tu étais la plus belle des expressions, toi qui avais quitté l'école à 12 ans et qui me fit dès l'enfance connaître le livre, dans les bibliothèques municipales, le théâtre, national populaire, les films, exigeants et interdits, la chanson, engagée et le soutien aux républicains espagnols. La solidarité, constante de ta vie, avec ceux qu'on disait "étrangers".
Qu'est devenue cette région, gangrénée par la haine, bien au-delà même aujourd'hui du F-haine, de cette haine qui imbibe notre quotidien.
Qu'est devenue cette ville de naissance, témoin et trop actrice depuis tant de dernières années, des exactions de la police contre les migrants, de la mort répétée de migrants rejetés
Comment la ville , la région ne sont-elles pas unanimement debout après ce nouveau massacre par mer interposée.
Calais, ville de la violence réitérée contre des hommes, des femmes, des enfants à la recherche de conditions de vie, ville de l'ultime moment de la vie, de la mort répétée.
A ceux qui une nouvelle fois ont pour toujours disparu
A ceux qui depuis tant de dernières années ont subi l'extrême violence du quotidien policier de notre société
A ceux que nous connaissons et qui ont toujours ce rêve pour eux nécessaire - et cependant pour nous si mortifère - de passage vers une autre côte, début d'une autre vie.
Dominique Villaeys-Poirré
25 novembre 2021
Merci aussi à ceux qui si peu nombreux leur ont rendu là-bas hommage aujourd'hui
Et à ces grévistes de la faim de tout un mois qui ont tant alerté