Le printemps est là. Aussi triste pour nombre de demandeurs dans l'Yonne que les printemps, automnes, hivers et étés précédents, depuis trois ans, depuis l'arrivée, nombreuse, des demandeurs dans l'Yonne en juin 2016.
Et toujours devant nos yeux, des situations aussi désespérées.
Bien sûr, il y a eu la chance inouïe avec les élections en 2017, la grève de la SNCF et autres événements, de voir un nombre important de demandeurs Dublin passer en procédure normale et beaucoup obtenir le statut de réfugié au lieu de pourrir sur les trottoirs de l'Europe. Mais les derniers de ces demandeurs ont dû attendre près de deux ans et demi pour avoir ce statut qui leur était dû soit directement devant l'Ofpra, soit avec une nouvelle épreuve à la clé devant la CNDA. Pour certains, cela vient très tard, trop tard? Leur équilibre personnel a été ébranlé.
Bien sûr, certains travaillent (dur) et se forment quand ils ont de la chance et un peu d'aide de l'un ou l'autre. Mais beaucoup doivent se débrouiller seuls dans un pays du chômage et du mal logement qu'ils ne soupçonnaient pas malgré tout ce que nous pouvions dire.
Bien sûr il y a quelques bonnes nouvelles dernièrement, comme la protection portée pour certains à quatre ans cette année au lieu d'un an.
Jaulges,12 demandeurs, tous déboutés, ont été avertis dans le même temps qu'ils avaient à quitter le centre ... Symbole vivant et significatif de l'abandon dans lequel a vécu ce centre.
Mais dans l'Yonne ...
Il y a eu la machine infernale qui a permis d'expulser à la chaîne de février à juin 2018. Nous avons pu aider et obtenir quelques victoires prouvant qu'un engagement exceptionnel de notre part et une organisation serrée pouvaient au moins obtenir que les droits des demandeurs soient respectés, mais un autre centre Jaulges, est resté sans cette aide systématique et sans mobilisation, et les demandeurs ont dû pendant des années pour certains rester dans ce centre incroyablement indigne dont nous n'avons pas su, voulu (?) obtenir la fermeture. Et beaucoup de demandeurs ont dû s'enfuir sans avoir suffisamment d'attention et d'aide.
Et puis il y a eu l'agression mortelle d'un demandeur d'asile au CAO d'Auxerre dont Coallia et la police sont largement responsables. Mais nous aussi peut-être, tant nous avons été trop absents sur cette période. La présence n'empêche pas tous les drames mais un peu malgré tout. Et il aurait fallu que nous portions plainte. Une défense a pu être péniblement mise en place, ce qui correspond au droit fondamental de chacun à une défense. Elle devrait aussi pouvoir montrer la responsabilité du CAO et de la police.
Aujourd'hui ...
A Jaulges, 12 demandeurs, tous déboutés en France, ont été avertis dans le même temps qu'ils avaient à quitter le centre. Désespérés, ils ont appelé à l'aide tous ceux qu'ils pouvaient. Symbole vivant et significatif de l'abandon dans lequel a vécu ce centre.
Au CAO d'Auxerre, nous essayons toujours désespérément d'accompagner les demandeurs, tous les demandeurs. Ils sont 50 sur quatre étages. 30 devant l'Ofpra et la CNDA, qu'il faut aider pour leurs récits, et quelques Dublin. C'est un travail systématique et épuisant de tenter de n'oublier personne.
Des Dublin, il n'y en a pratiquement plus . Et quand ils sont là, ils sont en simple transit. Ils seront transférés dans la région de Besançon avec toutes les difficultés pour nous de les accompagner ainsi à distance. C'est une politique officielle voulue qu'il faudrait combattre. Rompre les liens de proximité, c'est ce qui est recherché par le pouvoir. Ces demandeurs, ce sont des Dublin Espagne ou Italie. Et aussi des déboutés dans d'autres pays dont nous savons la situation si dangereuse.
Face à cette situation ...
Organiser un travail d'information générale sur le préjugé, contre les lois actuelles est utile, il aide aussi à se rencontrer pour s'organiser, à créer une autre conscience autour de nous. Organiser des cours est important, pour les demandeurs, cela est essentiel. Il en est de même pour les fêtes qui peuvent constituer un moment de rencontre.
Mais une mobilisation coordonnée et systématique pour aider les demandeurs à faire valoir leurs droits est indispensable. Décider de leur protection comme cela se fait dans d'autres départements, aussi. Nous organiser pour être présents partout et pour tous.
Cette mobilisation est possible, nous sommes nombreux. Mais c'est une décision, il faut vouloir mettre cela au centre de notre action. Ne pas le faire, alors que nous sommes les seuls à connaître concrètement leur situation et à pouvoir le faire, n'est pas, ne serait pas compréhensible.