Assurer les visites régulières au CAO d'Auxerre, en ce cœur de l'été est ... une épreuve.
On voudrait regarder ailleurs, mais on ne peut pas.
Un demandeur d'asile afghan s'approche, il ne vient pas parler pour lui mais pour un autre demandeur. Qui est malade. "Il ne sait plus où il est, il oublie tout, il est ailleurs. Il faut faire quelque chose." Ce demandeur attend dans l'angoisse son deuxième vol, celui qui signifie la fuite. Ou l'expulsion. Ou ira-t-il? Malade comme il est. Il faut un psy, un traitement, un lieu de parole. Mais cela demande du temps. Il faudra le prendre." Pouvoir regarder ailleurs, ne pas savoir. Mais c'est impossible, c'est là dans la tête. Que devons-nous faire? C'est une démarche collective et volontaire qu'il faut.
Des demandeurs d'asile sont de la région de Gasni. Même dans "nos" médias, on parle des terribles attaques qui ensanglantent la région. Beaucoup de ces demandeurs n'ont aucune nouvelle de leurs proches. L'angoisse est à couper au couteau. Et ce sont ces demandeurs que le préfet veut expulser. Ils ont été notifiés. Ils ont eu leur premier vol, certains leur deuxième.
D'autres demandeurs attendent stoïques la réponse de la CNDA depuis de longs mois. Sans pouvoir travailler, certains sans argent. Un demandeur "Je reste serein, tranquille, j'attends."
Mais un autre demandeur se prend la tête dans les mains "Je ne peux plus attendre comme cela." Cela fait deux ans que je suis là. Il est au bord de la crise. Et parle en boucle.
Un demandeur arrivé à Sens, il y a maintenant plus de deux ans, apprécié de tous, est en bas de l'immeuble. Tu as des nouvelles de l'OFPRA, tu as ta réponse? Non, pas de réponse. On ne sait pourquoi, lui est toujours dans l'attente alors que nombre de ses amis arrivés dans le même temps ont leur papier de 10 ans. Grand et mince, il a toujours ce geste des mains qui s'ouvrent pour dire, c'est comme cela. Il se tient droit et organise sa vie, en conséquence de l'inconséquence de ce qu'il vit.
Tout comme cet autre demandeur, en procédure accélérée qui n'a d'accéléré que le nom ... et le fait qu'il n'a le droit à aucune allocation depuis près d'un an.
Le traumatisme est présent à tous les étages, et l'accompagnement dans ce centre est proche de zéro. Il nous a fallu dépenser des trésors de temps et de démarches pour trouver enfin un psychiatre qui peut prendre enfin en charge un demandeur, nous faisons plus de 30 km pour la rencontrer : elle diagnostique un syndrome post-traumatique et peut enfin après cinq mois d'interruption prescrire le traitement. Le CAO n'avait rien fait. Et le préfet averti de ce diagnostic ne voit pas là la preuve de vulnérabilité qui aurait permis de surseoir au transfert.
Et le préfet de l'Yonne, imperturbable ... expulse et expulse encore.
Tant de choses à dire encore ... .
Que devons-nous faire? C'est une démarche collective et volontaire qu'il faut.