Information lue sur le facebook de Timothy Perkins
IMMIGRATION. LES CHIBANIS DANS LA DÉTRESSE, HORS DES RADARS (dans l'Huma)
Des milliers d’anciens travailleurs immigrés végètent dans des foyers. La crise sanitaire aggrave leurs conditions de vie.
Il faut aller les chercher dans des recoins de l’actualité… Sauf exception, les chibanis, ces anciens travailleurs étrangers qui attendent de solder une vie d’exil dans la peine, n’alimentent pas la chronique. Âgés, atteints le plus souvent d’affections chroniques, ils survivent en célibataire avec de modestes pensions de retraite dans des « foyers » de migrants ou, pour les plus chanceux d’entre eux, dans ces mêmes habitats rénovés dénommés « résidences sociales ». Ils seraient environ 110 000 à travers toute la France, dont une partie est accueillie dans 168 foyers. En Seine-Saint-Denis (35 établissements), les élus communistes et apparentés (Stéphane Peu, Patrice Bessac et Patrick Braouezec) interpellent le préfet au sujet de la situation des chibanis en ces temps de crise sanitaire.
Etendre les mêmes mesures des Ehpad aux foyers de migrants
En théorie, l’administration garde donc un œil sur leur sort. Une circulaire datée du 20 avril « met les points sur les “i” et rappelle aux gestionnaires certaines de leurs obligations », signalent les acteurs associatifs qui diffusent ce texte. Maintien des prestations d’entretien et de nettoyage, attribution de masques, renforcement des équipes mobiles de l’agence régionale de santé… le dispositif est supposé être au point pour protéger les chibanis des foudres du Covid-19.
Mais, dans la réalité, rien n’est moins sûr. « L’entretien des parties communes n’est quasiment plus assuré nulle part, les gestionnaires sont invisibles, craignant la contagion, ils s’enferment dans leur bureau, le personnel se fait rare, quant aux masques et gel, ce n’est que de belles intentions, rien de cela n’est disponible », décrit Ali El Baz, membre du Gisti, en contact régulier avec les délégués de foyers.
« On parle beaucoup des Ehpad et c’est tant mieux, mais il faut aussi étendre les mêmes mesures aux foyers de migrants », commente-t-il. Miloud, délégué du foyer des Grésillons, à Gennevilliers est, quant à lui, constamment sur le qui-vive. « Plusieurs pensionnaires souffrent de maladies chroniques, mais nous sommes dépourvus de masques et même de gel. Les retraités respectent le confinement, même si ce n’est pas une vie ici », raconte-t-il. « Les agents d’Adoma (gestionnaires – NDLR) passent coller des affiches, sans plus, mais ils n’oublieront pas les loyers, à qui parler ? » s’interroge-t-il.
« On a appris qu’ils se réunissent au sujet des tests, mais, à part ça, c’est le brouillard total », ajoute Miloud. Le délégué est aussi inquiet pour les « occupants sans titre », confinés dans le confinement « et qui n’osent pas se montrer pour se soigner ».
Angoisse, précarité, repli sur soi... un concentré de mal-vie
Les rendez-vous solidaires procurent enfin un soulagement, et pas des moindres. « Des jeunes passent régulièrement distribuer des provisions, c’est formidable ! » La crise sanitaire « aggrave et accélère le risque de dégradation de ces personnes âgées », explique, pour sa part, Maïa Lecoin, directrice de l’association Ayyem-Zamen, qui tient « deux cafés sociaux », dont un dans le quartier parisien de Belleville. En lien avec plus de 800 adhérents, occupants ou non de foyers, l’organisme entretient une écoute téléphonique quotidienne. Détresse, angoisse, repli sur soi, précarité, peur de la rupture des droits… le lien ainsi construit est un concentré de mal-vie. Combien de chibanis sont infectés au Covid-19 ? Combien en sont-ils morts ? Difficile pour l’instant de dresser un quelconque bilan, aucune administration n’en publie. Une chose est sûre, physiquement vulnérables, mal-logés et isolés, ils peuvent mourir à petit feu, hors des radars.