Cela fait deux ans et trois mois que j'accompagne chaque semaine, plusieurs soirs par semaine les demandeurs d'asile du CAO d'Auxerre.
La première fois, je venais rendre visite aux demandeurs d'asile transférés du Formule 1 de Sens où, raflés à Paris, ils avaient été "mis à l'abri", plus exactement fichés en attendant leur expulsion. C'était en septembre 2016
L'un des travailleurs sociaux a eu ces mots terribles en tentant de me convaincre de ne pas faire de visites : "Vous ne savez pas qui ils sont. De toute façon, ils seront bientôt tous partis (sous-entendus expulsés)".
Ces paroles terribles, et encore plus dans la bouche d'un homme chargé de la protection d'hommes qui venaient de vivre le pire et qui souhaitaient obtenir la protection en France, elles me sont souvent revenues à l'esprit.
Elles me reviennent encore ce mardi soir quand j'arrive, comme tous les mardis, mais cette fois-ci en sachant ce qui s'était passé.
J'étais loin cependant d'imaginer ce qui s'était réellement passé et qui abouti à la mort d'Hejran. Un demandeur qui venait d'obtenir ses papiers et qui déjà travaillait.
Le mardi soir, par les récits, je prends conscience de l'invraisemblable. Le lendemain, un journaliste de l'Yonne Républicaine répond à la demande des résidents de le rencontrer et ils racontent longuement.
Ce demandeur d'asile était difficile, Coallia avait été averti à plusieurs reprises. La veille, il avait déjà agressé physiquement un demandeur d'asile.
Et le matin-même, il avait attaqué à l'arme blanche deux demandeurs. L'un d'eux, conduit à l'hôpital, portait le mercredi encore des bandages. Le jeune agresseur avait été interpellé par la police, Coallia était donc au courant des faits. Cependant ce jeune agresseur, a été relâchè, sans aide, sans soins. Le soir, il agressait mortellement Hejran.
L'enchaînement des faits montre qu'il n'y a pas de fatalité, ce n'est pas un accès brusque et imprévisible: il y a non assistance à personne en danger et manquement grave au devoir de protection de Coallia.
Et si cela a conduit au pire, c'est parce que à peu d'exception près, Coallia Auxerre a montré régulièrement ces manquements et ce mépris. Les demandeurs et réfugiés l'ont souvent exprimé. En particulier, l'absence d'attention à l'état psychique de certains demandeurs est une constante grave.
La responsabilité de Coallia est claire.
Et, cette mort est aussi clairement la conséquence directe d'une politique de non asile. La conséquence du mépris de leur vie, du racisme profond auquel ils sont confrontés.
Dominique Poirré
Une plainte a été déposée pour non assistance à personne en danger et une enquête de l'IGPN ouverte.