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Demandeurs d'asile en 89

Plus de 150 demandeurs d'asile ont été amenés d'abord de Paris (La Chapelle, Jaurès, Stalingrad...) puis de Calais dans l'Yonne. Une grande majorité dépend de Dublin. Ils ont pris tous les risques et maintenant ils risquent le retour dans un pays où ils ont été enregistrés contre leur gré et où les conditions d'accueil ne sont pas acceptables. Lire dans la rubrique Pages : notre pétition, la lettre des demandeurs d'asile soudanais d'Auxerre ... . Consulter les catégories : Paroles de demandeurs d'asile, Pays de non asile, Nous les soutenons, Nous informons, Chronique en 89, Prahda, Ofpra. Signer la pétition pour la régularisation : https://secure.avaaz.org/fr/community_petitions/emmanuel_macron_et_le_gouvernement_francais_france_regularisation_de_tous_les_sanspapiers/?txqxfqb&fbclid=IwAR2vLV1piiM2wCy8EP05vhzCNFk5iLL_tvPjntEgXI5yFb9Qk4kBBKrgprY

L'année 2017 au CAO d'Auxerre, un quotidien marqué par Dublin et l'Ofpra/CNDA. Témoignage.

Publié le 1 Janvier 2018 par lieb in Nous les soutenons, nous informons, Ofpra, Dublin

Le CAO d'Auxerre

Le CAO d'Auxerre

Un an au CAO d’Auxerre.

Ce qui nous attend début 2018.

 

 

Les visites au CAO d'Auxerre ont permis d'accompagner les demandeurs d'asile, de nouer des liens essentiels, mais aussi de suivre la politique migratoire, depuis le transfert dans ce mini-département de plusieurs centaines de demandeurs d'asile.

 

 

Le choix de "mettre à l'abri" en juin-juillet 2016 ces demandeurs justement dans nos départements table sans aucun doute sur l'isolement, l'invisibilité, la difficulté pour les militants et les bénévoles de les accompagner.

 

 

Notre mobilisation forte à Sens à leur arrivée le 21 juillet 2016, le fort mouvement que nous avons développé à Appoigny depuis l'ouverture d'un Prahda ont déjoué en partie ce calcul.

 

 

Reste aujourd'hui le trop grand isolement des demandeurs d'asile dans certains CAO, Auxerre, Saint-Florentin, Joigny et bien entendu, étant donné son total isolement géographique, au camp militaire de Jaulges.

 

 

2017 au CAO d'Auxerre, un quotidien marqué par Dublin et l'Ofpra/CNDA

Un témoignage, une analyse

 

 

Les demandeurs d'asile de Sens ont rejoint en septembre 2016 les CAO. Partis au compte-gouttes, ils se retrouvent presque tous au CAO d'Auxerre. Ils retrouvent là d'autres demandeurs d'asile raflés à Calais et Paris, comme eux, à la même époque. S'installe alors une vie marquée par la violence des décisions officielles mais aussi par une remarquable solidarité des demandeurs d'asile entre eux.

 

 

Janvier, février, mars, avril, c’est la valse des notifications Dublin

 

Janvier, février, mars, avril 2017, c’est la valse des notifications Dublin au CAO d’Auxerre. Nous, militants, ne sommes pas encore assez au fait de tout. Longtemps, nous tergiverserons sur la date de fin de Dublin. Nous n’avons pas encore l’expérience du Prahda. Nous laissons beaucoup de demandeurs s’enfuir sans même avoir fait de recours. Certains d’entre nous pensent même que l’Italie, c’est pas si mal. Malgré ce que disent les demandeurs et ce qu’ils nous démontrent par leur fuite.

 

Nous irons à Mesnil Amelot pour accompagner jusqu’au bout. Nous en verrons revenir. Le travail de la Cimade y est remarquable.

 

 

Les soirées de cet hiver au CAO d’Auxerre

 

Les soirées de cet hiver au CAO resteront gravées à jamais. L’attente au jour le jour, de la lettre, convocation au commissariat pour notification du retour dans le pays Dublin. Nous vivrons l’évolution des procédures de plus en plus expéditives : 2016, la convocation elle-même devait obéir à des règles formelles. Début 2017, elles devaient simplement être remises en mains propres. Puis peu à peu, même plus. Et à un certain moment, elles sont remises si tard que les demandeurs n’ont même pas le temps de se préparer. A l’époque, c’est le commissariat qui donne la lettre de notification. Était-ce légal ? Et c’était la loterie, assignation ou rétention.

 

 

Au fur et à mesure des notifications Dublin, l’atmosphère s’assombrit.

 

Alors nous faisons du français, nous regardons des films sur les téléphones, nous mangeons ensemble. Et le silence est pour certains la seule expression possible.

 

Un soir, nous arrivons, et nous apprenons que tel ou tel n'est plus là.

 

Combien de demandeurs sont ainsi maintenant dans la nature ? Où sont-ils ? Parfois des nouvelles nous parviennent.

 

 

Avril : trois demandeurs sont convoqués.

 

Nous ne savons pas que ce seront les derniers de cette période. Deux ne vont pas au premier rendez-vous. C’était à l’époque plus que risqué. Mais il n’y aura pas de deuxième rendez-vous. Pas d’expulsion pendant les élections.

 

 

Alors les dates de fin de Dublin tombent pour certains.

 

Ils passent en procédure dite normale. L'explosion de joie est à la mesure du soulagement.

 

Les photos de ce moment sont tellement parlantes. S. qui ne sourit jamais, rit. Un demandeur se coupe les cheveux. Certains dansent. Le téléphone se remplit enfin de sourires.

 

 

Puis une nouvelle situation s’installe. Une nouvelle épreuve, l’Ofpra et ses réponses négatives.

 

L’Ofpra ne vous croit pas. Vous ne savez pas situer le nord et le sud. Vous n’êtes pas de la bonne ethnie, du bon peuple, du bon Etat.  L’Ofpra vous renvoie dans l’angoisse et la peur. L’Ofpra ne vous écoute pas, vous êtes trop long, trop insistant. L’ofpra ne vous croit pas.

 

 

Certains vont pourtant obtenir une carte de 10 ans. Nous n’osons imaginer ce qu’ils ont vécu pour qu’on leur donne ainsi le droit d’exister ici. Et nous pensons avec une angoisse rétrospective que seul le hasard des élections venues à point nommé les a sauvés de la fuite et de la rue.

 

 

L’ère nouvelle au CAO d’Auxerre

 

Il l’avait dit, il le fait. Il a promis que ce serait examiné en 6 mois. Ceux qui ne connaissent pas s’en sont réjouis. En fait, tout est déjà pensé et mis en place pour les expulsions rapides. Il faut dix mois pour espérer sortir de Dublin.

 

 

Les CAO de Villeblevin et du camp militaire de Jaulges avaient déjà ouvert à l'automne 2016 pour de soi-disantes mises à l’abri. En fait les CAO deviennent la deuxième étape d’un parcours de plus en plus éclair. A Calais et à Paris, on démantèle. On dispatche dans des CAO isolés et de plus en plus invisibles.

 

 

Et le 21 juillet 2017, nous découvrons la pièce maîtresse du dispositif : le Prahda. Plus de notifications au CAO d’Auxerre : c’est maintenant l’épée de Damoclès du Prahda pour les nouveaux arrivés.

 

 

Au CAO d’Auxerre, les nouveaux Dublin, les recours CNDA ..

 

Au CAO d’Auxerre, les derniers Dublin (je n’aime pas le mot dubliné, pas plus que rmiste et autres dénominations) ont été enregistrés en octobre, ils viennent de la Chapelle et ils n’ont passé que quelques jours au camp Hidalgo. Par l’expérience que nous avons, contrairement à d’autres CAO dans d’autres départements, nous savons combien le risque qu’ils encourent est grand, nous en avons parlé. Ce n’est pas facile, mais ils doivent savoir. Nous avons fait les calculs. Et nous savons que la machine s’accélère. Début 2018, nous devrons être attentifs à leur situation. Ils sont une quinzaine pour ceux que je connais.

 

 

Au CAO d’Auxerre, plusieurs demandeurs sont devant la CNDA. Chacun de nous peut imaginer ce que cela signifie. Nous connaissons certains depuis plus d’une année. Les décisions vont intervenir.

 

 

Et au CAO d’Auxerre, il y a trois demandeurs, dont deux que nous connaissions de Sens, arrivés en juillet 2016, qui n’ont pas encore pu déposer leur demande d’asile. Le changement de procédure ne leur a pas encore été notifié. Ils n’avaient été enregistrés, on ne sait pourquoi, qu’en novembre. Ils ont dû attendre leur fin de Dublin, le 19 septembre. Ils n’ont pas encore été convoqués. 16 mois d'incertitude, certains de leurs amis arrivés en même temps à Sens ont déjà leurs papiers. Leur calme impressionne à chaque visite.

 

 

Y a-t-il un micro-climat dans ce CAO

 

Les situations psychologiques et matérielles sont très difficiles, les nationalités multiples et pourtant durant toute cette année, la solidarité a toujours été de mise. On nous avertit, quand un demandeur va mal. On mange ensemble, on parle, on partage.

 

 

Est-ce parce que dès le début les demandeurs à Sens ont pu rencontrer notre attention, parce que des cours ont été mis en place très rapidement par des amis électrons libres de Sens à rive droite à Auxerre, parce qu’il n’y a pas eu de semaine sans notre présence. J’aime à penser que cela a joué.

 

 

Mais je pense que c’est surtout parce que les demandeurs que nous avons rencontrés et qui sont toujours présents, venus de Sens, de Saint-Florentin, d'Appoigny et Auxerre ont su dès le début créer les conditions d’une vie décente et riche. Ils ont mené des actions collectives. Les nouveaux sont accueillis et intégrés. Et les soirées sont toujours aussi belles.

 

 

(En parlant de situation difficile, ils sont nombreux sans allocation qui vivent depuis plusieurs mois sans argent, une aide, une collecte serait bienvenue pour aider à les aider).

 

 

Pour 2018

 

Ce qui m’inquiète

 

. Nous ne sommes pas assez nombreux, c’est un euphémisme.

. Il n’y a pas assez de mobilisation autour de ces nouveaux demandeurs d’Auxerre, Joigny, Saint-Florentin, comme d’ailleurs auprès de ceux de Jaulges.

 

 

Ce qui m’apparaît nécessaire.

 

. Nouer des liens. Etre présents même de loin par Whatsapp ou messagerie.

. Etre attentif à tous les demandeurs d’asile quels qu’ils soient (âge, situation), où qu’ils soient. Des relais seraient importants.

 

Et surtout :  

. Développer un mouvement pour l’asile dans l’Yonne, mobiliser tous ceux qui peuvent l’être,  pour empêcher les nouvelles expulsions vers les pays Dublin et vers les pays d’origine qui maintenant se dessinent et qui s'ajoutent à tous les migrants déjà en OQTF (obligation de quitter le territoire) dans le département.

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